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l’Adriatique, touchent l’Italie plus particulièrement. Au fond, et dans les termes les plus larges, il reste la question de l’Adriatique.

Posons-la donc sur la carte, du Nord au Sud. Du point de vue italien, pour la Vénétie julienne, le golfe de Trieste, et l’Istrie jusqu’au Quarnaro, il ne saurait y avoir de discussion : ce sont proprement des terres séparées, et le devoir national est de les réunir à la patrie. Mais ce n’est que par réminiscence des géographes romains du siècle d’Auguste que Dante assignait au Quarnaro la mission de fermer l’Italie et de baigner ses frontières ; l’histoire ne s’est pas arrêtée à Auguste, et d’autres ont poussé la limite au-delà, vers le fossé romain de Tarsatica et la région où maintenant est Fiume. Viennent ensuite le Littoral et les côtes de la Dalmatie, avec leur Archipel. Ici, on retrouve Venise. L’empire de la mer, la maîtrise de l’Adriatique, appartient à qui tient le Quarnaro, l’Archipel et la Dalmatie. « Le peuple qui occupera les côtes de la Dalmatie, écrit l’un des meilleurs historiens de l’ancienne Rome, M. Ettore Pais, exercera toujours une prépondérance sur les rivages opposés. Ce ne seront pas luttes de pirates ; mais tous les dangereux engins de guerre de notre temps seront à l’avantage de qui aura sa base navale dans les insidieux archipels des îles dalmates. Piero Foscari, qui, par ses profondes connaissances maritimes et ses hauts sentimens de patriotisme, est si digne de porter fièrement le nom qui remémore les gloires de Venise, a montré les périls que l’Italie doit attendre de qui possède les côtes de l’Istrie et de la Dalmatie. Et ces périls qui menacent aujourd’hui l’Italie ne seront pas différens et moins graves, si, de l’immense conflit qui ensanglante l’Europe entière, sortent vainqueurs les Serbes rêvant un empire qui aille de Trieste à l’Albanie, ou les Hongrois obéissant au cri de Kossuth : « Les Magyars à la mer ! » L’article de la Rivista d’Italia porte sa date : il est du mois de mai 1915 ; mais il n’y a qu’à substituer la Bulgarie à la Serbie, les craintes patriotiques du professeur Ettore Païs n’en seront que plus légitimes. Les côtes du Monténégro peuvent n’avoir pour l’Italie qu’un intérêt historique, du fait que les bords méridionaux des bouches de Cattaro, entourés d’une enclave entre la République de Raguse et les possessions turques, furent autrefois du domaine de Venise : quoiqu’il y ait la Spizza, qui provoqua un incident parlementaire sous le ministère de M. Tittoni, Antivari, Dulcigno, et San Nicolo, à l’embouchure de la Bojana. Mais il n’en est certainement pas ainsi des côtes albanaises, de Saint-Jean de Medua à Durazzo, à Vallona, à Santi-Quaranta. Vallona est si rapprochée d’Otrante, d’où par, beau temps on aperçoit la Linguetta et la couronne des monts