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DE L’EUROPE FRANÇAISE
Á
L’EUROPE ALLEMANDE

Après le déchaînement de haine et de violence que cette guerre a provoqué, subsistera-t-il quelque chose de l’esprit européen, c’est-à-dire de cette culture synthétique, de cette civilisation aristocratique et mondaine en sa forme, assez anarchique en son fond, que l’on superposait plus ou moins artificiellement aux diverses civilisations nationales ?

Après la faillite de toutes les « Internationales, » les peuples d’Europe, grands et petits, ne vont-ils pas s’enfermer dans un nationalisme étroit et agressif qui, fermant les frontières aux idées, ferait reculer la civilisation tout entière de plus de deux siècles en arrière ? On a d’autant plus de raisons de le craindre que cette notion de l’esprit européen avait pris, ces dernières années, l’aspect d’une idée allemande. L’instinct populaire n’avait pas tort, qui voyait dans un certain cosmopolitisme le masque du germanisme, et le légitime désir de la France comme de l’Angleterre, comme de l’Italie et de la Russie, de se prémunir désormais contre une pénétration sournoise, dont la guerre a tout à coup révélé la profondeur et le danger, leur a fait prendre en horreur tout ce qui porte l’empreinte de cette barbarie organisée qui prétendait les subjuguer.

Depuis une quinzaine d’années, ceux qui ont quelque peu fréquenté ces milieux cosmopolites, de plus en plus anarchiques et de plus en plus influens, ont assisté à leur lente