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de la France. Tout au plus attendait-il un simulacre de résistance et, dans la férocité avec laquelle les populations belges furent traitées par l’armée d’invasion, on distingue aisément l’intention de châtier, ce que les journaux germaniques osèrent appeler une trahison. Dans son infatuation, dans sa conviction que personne ne résiste à l’étalage de la force, il avait compté sans la loyauté du Roi, sans l’honnêteté foncière de la nation et du gouvernement belge, sans la sympathie de race qui unit les populations wallonnes à la France, sans le sentiment de reconnaissance et d’admiration qu’éprouve la classe moyenne, tant en Flandre qu’en Wallonie, pour le pays à qui elle doit toute sa pensée. Quand on constate cette lourde erreur que l’Allemagne ne pourra jamais réparer, on insiste généralement sur le manque de psychologie et d’esprit de finesse dont elle témoigne. Mais si l’on se souvient de ce qu’avait été la propagande allemande en Belgique, on s’explique que des politiques étroitement réalistes comme ceux de Berlin aient pu s’y tromper.

Cette propagande a revêtu les aspects les plus divers, elle s’est adressée à tous les partis, à tous les mondes. Elle a su profiter des intérêts, des sentimens, des passions politiques et même de la vanité littéraire. Tandis qu’à Anvers, principale étape des grandes lignes de navigation de Brème et de Hambourg, la colonie allemande, riche, puissante, considérée, unie, faisait valoir très adroitement les profits que la ville et son commerce retiraient de leurs relations avec les districts industriels de la Ruhr et de la Westphalie, les écrivains pangermanistes s’efforçaient, par des flatteries et des cajoleries incessantes, d’attirer à leur cause les nationalistes flamands. Les hommes influens du « Centre, » qui, depuis l’époque du Kulturkampf, — où l’on vit tant de congrégations allemandes trouver asile en Belgique, — entretenaient avec le parti catholique belge des relations étroites, ne manquaient pas de profiter des méfiances assez compréhensibles que l’on y éprouvait à l’égard de la France radicale et anticléricale ; les socialistes, sous prétexte d’orthodoxie marxiste, s’efforçaient d’imposer au parti ouvrier belge les méthodes et les directions de la Sozialdemokratie. Selon le monde auquel la propagande s’adressait, elle usait de thèses différentes, mais qui, toutes, concouraient au même but. S’agissait-il de conquérir l’aristocratie catholique et