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sainteté. Elle avait eu, elle aussi, des combats intérieurs. Tout d’abord, les rudesses du cloître l’avaient rebutée. Mais elle vit en songe une procession de religieuses vêtues de brocart cramoisi, et elle connut que c’étaient des religieuses défuntes récompensées par cette riche parure de leur patience et de leur soumission. Une autre fois, elle aperçut un lieu charmant où se tenait Notre-Seigneur. Mais, pour y arriver, la côte était raide. A chaque instant, elle y faisait un faux pas et tombait. Et l’ange qui l’assistait lui dit : « Tomber et se relever, ainsi on monte au ciel. » Elle eut encore d’autres visions. Elle était devenue la plus obéissante du couvent et la plus humble. Bien qu’elle fût petite et peu robuste, elle accomplissait de grosses besognes ; et, la nuit, le souci de louer Dieu la réveillait. Elle avait excellé dans la pratique de la charité, de l’oraison, de la douceur et du silence. Sur son lit de mort, où elle s’éteignait doucement, elle supplia Jésus d’alléger l’agonie d’une autre sœur qui se débattait près d’elle, et s’offrit à lui prendre ses douleurs et ses angoisses. Elle fut exaucée ; et, pendant que sa compagne s’en allait paisiblement, elle endura de si grandes tortures qu’après sa mort on observa qu’elle avait mis sa langue en pièces dans ses violences pour ne pas crier. Voilà de quoi les Xavier étaient capables. François ne sut probablement rien ou presque rien de ces circonstances. Mais il semble qu’en mourant sa sœur lui ait transmis tout ce qui dans son âme était encore irrassasié de labeurs. Comme elle, il eut des visions. Ses nuits furent souvent tourmentées. Quelques années plus tard, les voluptés du monde, qu’il avait à jamais écartées de sa route, revenaient l’assaillir dans son sommeil, et l’effort qu’il faisait pour échapper à leur étreinte était tel qu’il s’éveillait en sursaut et qu’un flot de sang lui sortait de la bouche.

L’ardeur de son tempérament, que la crainte physique et que la pureté d’âme avaient arrêtée au seuil des passions, le précipita dans les austérités. Il prolongea ses jeûnes ; il se macéra ; il châtia ses membres d’avoir été trop fiers de leur souplesse. Il les liait avec des cordelettes si étroitement serrées que ses chairs se tuméfiaient et que l’on craignit un moment d’être obligé de l’amputer d’un bras. Du reste, autour de lui, les « Iniguistes » s’entraînaient aux mortifications. Le Fèvre faillit en mourir. Heureusement Ignace veillait. Il n’admettait point cette vaine usure des forces corporelles. « Lorsque vous