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pays : D. — En général, tous les moyens de salut public pour conduire la guerre à sa fin la plus rapide et la meilleure possible. »

Ainsi plus de ménagemens, plus de transitions ; tout y est, même le mot : salut public. Parallèlement se poursuivait un travail plus discret et plus sourd de conciliabules. On échafaudait le plan non pas d’un, mais de deux Comités de salut public, dont le premier, composé de quarante membres, vingt sénateurs et vingt députés, aurait centralisé les relations avec le gouvernement, autrement dit exercé sur lui sa surveillance pour cause de suspicion légitime ; dont le second, composé de quarante-quatre membres, tous députés, aurait fourni des représentans du peuple en mission aux armées, envers qui les généraux auraient été comptables de toutes leurs décisions, sauf de la direction des opérations militaires, et encore ! mais qui, en tout cas, auraient promené de tranchée en tranchée l’oreille de Denys, ou fait circuler à travers les rangs la bouche de fer où, à Venise, on jetait les dénonciations. Il paraît qu’appuyé seulement par le groupe socialiste et le groupe républicain-socialiste, ce double projet n’a pas de chances de réussir. Il serait, comme on dit, enterré. Félicitons-nous-en, et souhaitons qu’il ne ressuscite pas, ne fût-ce que pour faire du bruit et pour jeter du trouble.

Mais prenons la question de plus loin et de plus haut. C’est un précepte des anciens maîtres que, lorsqu’une institution est corrompue, il faut la ramener à son principe. Or le régime parlementaire se corrompt, se pervertit, dévie, divague. La Revue se fait honneur d’être une maison où toutes les libertés, et d’abord les libertés parlementaires, ont été invariablement, fidèlement aimées, respectées et servies. Elles y ont trouvé, dans les temps difficiles, un asile inviolable, à la porte duquel se sont usées les entreprises du pouvoir absolu, ses caresses et ses colères. Nous-même, combien de fois n’avons-nous pas essayé, à cette place ou dans les pages voisines, d’en reprendre, d’en consolider les bases, de montrer qu’en somme, malgré tout ce qu’on a pu en dire, avant ce bouleversement inouï d’où sortira un monde nouveau dont personne ne saurait encore dessiner la figure, on ne nous a pas proposé un autre arrangement qui répondît mieux aux conditions politiques et sociales de l’Occident européen, dans le XIXe et le XXe siècle ? Mais ce que nous avons défendu, justifié, recommandé, c’est le régime parlementaire contenu, tempéré, à l’état sain ; nullement ce parlementarisme débordé, délirant, qui n’en est que l’état morbide.

Le vrai régime parlementaire, celui qui est un régime et non une