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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/150

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et nous sommes ici à causer pacifiquement, à tout le moins sans colère !

Belle matière à philosopher, sans doute, si j’en avais eu le temps et le courage.


LUEURS D’ESPÉRANCE

Mai, Juin. —


Le temps a quitté son manteau
De vent, de froidure et de pluie...


Sans transition, le soleil et la chaleur ont succédé aux brouillards, à la neige, aux averses. Le réveil de la nature exerce sur nous, sur nos sentimens et notre moral, sa bienfaisante influence. L’homme est ainsi fait qu’il subit sans s’en rendre compte l’ascendant des phénomènes extérieurs, participe inconsciemment à leur mélancolie comme à leur allégresse.

Le renouveau nous trouvait donc moins déprimés, l’âme mieux affermie, prompte à saisir la plus légère espérance. Les circonstances, d’ailleurs, contribuaient à retremper notre courage. Avec le temps, sans précisément se relâcher, la discipline était devenue moins implacable. Uniquement préoccupé des Russes, le colonel, en retour, laissait les Français à peu près tranquilles. Quoi qu’il en eût, au reste, il lui fallait bien à présent mettre un frein à ses fureurs comme à ses fantaisies pénitentiaires. Des commissions mixtes hispano-suisses de la Croix-Rouge, accompagnées de médecins et d’officiers d’état-major, parcouraient dans toute l’Allemagne les différens dépôts de prisonniers, recevant les doléances, signalant les abus, réclamant les améliorations qu’elles jugeaient nécessaires. Soucieux de ménager l’opinion des neutres, on tenait un compte sérieux à Berlin de leurs observations. Elles accomplirent ainsi la plus utile besogne, sauvèrent bien des vies humaines, et l’on ne saurait trop leur marquer une juste reconnaissance.

Nous reçûmes à différentes reprises leur visite à Bautzen. Comme elles étaient annoncées à l’avance, on juge l’émoi, le branle-bas général de nettoyage et de mise en état qu’elles provoquaient au camp. Tout le monde passait à la douche ; les rations étaient ce jour-là plus abondantes ; nous recevions du fil et des aiguilles pour réparer nos effets.

Fut-ce la conséquence heureuse d’une de ces visites ? L’autorisation