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et une nécessité pour l’agriculture. Pourquoi et comment ? C’est ce que nous examinerons dans une prochaine étude.


Aujourd’hui un autre aspect de la question nous tente, plus passionnant parce qu’il touche à des questions plus hautes de philosophie naturelle et parce qu’il est issu plus directement des idées françaises. A côté de la motoculture qui est en somme le remplacement de la traction animale des instrumens aratoires par la traction mécanique, et en dehors d’elle, il y a une autre solution, peut-être plus riche en conséquences, des problèmes agricoles actuels : et cette solution ne tendrait à rien d’autre qu’à modifier radicalement, dans sa nature même, le travail que l’on fait subir à la terre, à le révolutionner complètement.

« La terre, comme l’a si bien dit Berthelot, est un être vivant. » Elle n’est pas seulement le piédestal indifférent de nos petits gestes éphémères ; c’est d’elle qu’émanent toutes les substances qui nous permettent de subsister. Si nous passons rapidement en revue les diverses opérations où l’homme collabore avec la nature pour féconder cette matrice de toute vie humaine, nous serons amenés tout naturellement à comprendre et à souhaiter cette révolution nécessaire de nos méthodes agricoles.

Le blé est d’une fécondité absolument prodigieuse. Dès le XVIIIe siècle, des expériences ingénieuses avaient établi son étonnante faculté de reproduction. Ainsi Charles Miller en 1765 à Cambridge, en replantant une seule fois les élémens du pied fourni par un grain de blé, obtint 2 000 épis, ce qui, au taux d’environ 30 grains par épi, moyenne assez courante, correspond à une production de 60 000 pour un. En multipliant et combinant les repiquages des tiges provenant d’un seul grain, le même auteur a obtenu en un an à peine une multiplication plus de neuf fois plus forte.

Ces expériences ont été reprises par les agronomes modernes. Dans une expérience récente, M, Bellenoux, en semant une vingtaine de grains de blé et en repiquant convenablement les pieds ainsi produits, a obtenu au bout d’un an une récolte telle, que chaque grain de blé primitif en avait fourni finalement plus de 700 000. Il n’y a guère que les harengs qui dans le règne animal manifestent une fécondité comparable. L’expérience de M. Bellenoux a donné finalement un rendement d’environ 63 quintaux par hectare, soit le double du rendement moyen actuel au Danemark et plus du quintuple du rendement