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Ainsi de petits microbes infimes, réalisant ce que n’ont jamais pu faire les plus grands chimistes de nos laboratoires, assimilent directement à la matière vivante ce corps qui est, avec le carbone, l’élément essentiel à la vie, cet azote que l’étymologie nous montre si injustement nommé. Le jour où notre organisme saura utiliser ces microbes lui-même, — ce qui pourrait bien arriver dans quelques dizaines de siècles au maximum, — le problème de l’alimentation humaine sera singulièrement simplifié : une bouffée d’air atmosphérique, constituera presque un repas.

De tout cela il ressort que tout ce qui améliore l’aération et la division particulaire de la terre arable doit améliorer son rendement.

Telles sont les inductions de la théorie. Que prouve à cet égard l’expérience ? Il n’est pas nécessaire, comme dans les curieux essais de M. Bellenoux, de transplanter le blé pour le multiplier dans des proportions étonnantes. On y arrive par d’autres moyens. Depuis longtemps on a remarqué que dans les terres finement divisées des jardins potagers le blé est remarquablement prolifique. D’autre part diverses expériences, celles notamment de Grandeau qui ont donné 43 quintaux à l’hectolitre, ont prouvé ce qu’on peut obtenir lorsqu’on traite la plante comme une récolte sarclée de façon à la préserver des plantes parasites et à tenir le sol constamment ameubli et propre. Il n’est d’ailleurs nullement nécessaire, pour obtenir ces grands rendemens, de faire des semis abondans. Il en est des plantes comme des hommes : ce ne sont pas les peuples polygames qui ont la plus forte natalité.

Enfin certains exemples de cultures exotiques du blé sont particulièrement édifians à cet égard : dans certaines régions de Chine où l’énorme densité de la population exige une grande fertilité du sol, on est arrivé à une production d’environ 120 quintaux à l’hectare (4 fois plus que le Danemark, 40 fois plus que la France) grâce à des semis faits en quinconce ou en ligne dans une terre constamment ameublie, pulvérisée, triturée même à la main.

On comprend dans ces conditions les fermes conclusions relatives à l’avenir de l’agriculture auxquelles était arrivé Dehérain : « Quand une terre est convenablement remuée, aérée, travaillée, l’azote habituellement inerte qu’elle renferme évolue, devient soluble, assimilable ; la matière organique de l’humus, attaquée par des fermens, se réduit en acide carbonique, eau et nitrates, et si nous sommes réduits encore à acquérir ces nitrates, c’est que le travail du sol tel que nous le pratiquons aujourd’hui est inefficace. C’est aux ingénieurs à se