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qui prenait des avis, qui en donnait, qui consultait, qui était consulté, et qui prévoyait de telle sorte qu’il prouvait que si « gouverner, c’est prévoir, » prévoir, c’est mériter de gouverner.

Quand Ferdinand Brunetière mourut, succombant aux multiples tâches qu’il assumait en dédaignant de les compter, Charmes fut appelé à la direction de la Revue des Deux Mondes. II accepta, tout en gardant sa chère chronique, à laquelle l’attachaient des souvenirs de travail et de succès. Il continua, dans la chronique, à être ce qu’il y avait été et, dans ses fonctions nouvelles, il montra d’éminentes qualités de dirigeant et d’administrateur. Il pensait la Revue tout entière, dans ses grandes lignes et dans tout son détail. Il excellait à distinguer, à découvrir des talens et ceux-là mêmes qui s’ajoutaient et s’adaptaient le mieux à la Revue. Il n’était pas moins habile à susciter, à suggérer l’article à faire, l’étude à entreprendre, la recherche à pousser sur tel terrain ou sur tel autre. Un directeur doit être un trouveur d’hommes et un devineur de sources. Il était l’un et l’autre à souhait. De son pas tranquille, il allait à la découverte et ne revenait jamais sans avoir trouvé quelque chose d’utile à la maison et à ceux qui y fréquentaient.

C’était l’âme de la Revue, une âme très calme, mais très active, très patiemment active, et très lumineuse et très ferme. Sous sa direction, la Revue fut, plus qu’elle ne l’avait jamais été, l’organe impartial, l’organe central, qui, au milieu des différens partis, cherche la vérité et l’intérêt de la France et s’attache uniquement et strictement à ces deux objets. Il a admirablement mérité du vieil organe du libéralisme européen qu’il représentait et qui le représentait aussi, de telle manière qu’ils semblaient n’être qu’un seul être en deux personnes.

L’Académie avait depuis longtemps les yeux sur cet excellent écrivain et cet esprit si juste et si parfaitement équilibré. Il avait évité de se présenter à la mort de Brunetière et quelque temps même à la suite de cette mort, pour ne pas paraître vouloir recueillir à la fois toutes ses successions. Mais, en 1908, il se présenta au fauteuil de l’illustre Berthelot et fut élu sans difficulté. Il fit, avec sa clarté et sa précision habituelles, l’éloge de son grand prédécesseur et fut reçu, avec une sympathie cordiale où il entrait du respect, par Henry Houssaye, qui, comme tous ceux qui parleront de Charmes, rendit un hommage au