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pourra se départir et qui, le cas échéant, seront une sauvegarde pour le contribuable, à qui elles épargneront des démêlés pénibles avec l’administration. Voici par exemple un commerçant dont les bénéfices sont variables : tantôt ils dépassent le maximum légal de trente fois la patente, tantôt ils lui restent inférieurs ; voici un médecin ou un avocat qui se trouvent dans le même cas : les accuserons-nous d’incivisme, s’ils acquittent bon an mal an la taxe telle que la loi l’a établie ? Voici un fermier qui, grâce à la hausse exceptionnelle des denrées, a gagné plus de la moitié de la valeur locative des champs qu’il exploite : agit-il incorrectement parce qu’il accepte l’imposition légale de la moitié, alors que, l’année suivante, il réalisera peut-être des bénéfices inférieurs à cette présomption et qu’il préférera néanmoins subir la taxation d’office plutôt que d’entrer en discussion avec le fisc ?

D’un autre côté, nous comprenons que celui qui a des revenus bien définis, soumis à peu d’aléas, qui peut en quelques minutes connaître exactement le total de ce qu’il a encaissé au cours de l’année, se décide à faire une déclaration qu’il espère devoir régler définitivement sa situation, sans qu’il puisse d’ailleurs avoir aucune certitude à cet égard.

Toutes les hésitations qui se manifestent, toutes les discussions qui se sont ouvertes montrent combien cette loi de 1915, semblable sous ce rapport à un très grand nombre de celles qui ont été votées par nos Assemblées, est mal faite. A peine était-elle bâclée qu’il a fallu l’étayer du règlement d’administration publique, élaboré par le Conseil d’Etat, auquel la Chambre et le Sénat laissent volontiers le soin d’éclaircir non seulement la lettre, mais l’esprit de leurs prescriptions. Il vaudrait beaucoup mieux demander à ce grand corps de préparer la rédaction des lois avant de les soumettre à la discussion parlementaire. On aurait ainsi des textes clairs, coordonnés, cohérens, qui ne contiendraient ni contradictions, ni lacunes, ni obscurités ; qui ne heurteraient pas les lois existantes, s’harmoniseraient avec elles et contribueraient à faire un Code, au lieu de nous donner le spectacle peu édifiant de dispositions qui mettent souvent les justiciables dans un embarras qui n’a d’égal que celui des magistrats ou des fonctionnaires chargés de les appliquer.

Dans l’espèce, le règlement d’administration publique n’a pas apporté de grandes clartés, par l’excellente raison que le