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mort, les flottilles ennemies s’exposent à payer cher leurs tristes victoires, qui leur ont procuré, d’après la déclaration de l’amiral Stileman, le chiffre effrayant de 2 329 victimes civiles. On sait que les Allemands ont officiellement déclaré qu’à compter du 2 mars, ils couleraient tous les navires armés sans avertissement. En fait, l’exécution de cette menace ne change rien à leurs pratiques. Cependant, la diplomatie teutonne espérait ainsi nous faire renoncer à placer de l’artillerie sur nos navires de commerce. Le texte de la déclaration remise à M. Lansing, par le comte Bernstoff, l’indique clairement. Nos ennemis ne devront renoncer à détruire les navires marchands, sans assurer la sécurité des personnes qu’autant que les navires n’essayeraient pas d’échapper ni d’opposer de la résistance. Décidés à persévérer dans une méthode qui nous a réussi, nous ne nous sommes heureusement pas laissé prendre à ce piège grossier. Il faut s’attendre, toutefois, à une lutte implacable. Après les croisières pénibles qu’ils ont soutenues dans le dernier trimestre 1915, les sous-marins ennemis avaient besoin de se réparer, de compléter leur stock de combustible liquide et de torpilles. La reprise de leur campagne, qui vient d’être marquée par des pertes de navires importantes, coïncide avec l’exécution de ce programme et avec l’entrée en service de nouveaux navires. Notre marine marchande a déjà, par fait de guerre, perdu, avons-nous dit, un tonnage de 100 000 tonnes environ, ce qui représente 5 pour 100 du tonnage total des vapeurs existant à la déclaration de guerre. Elle doit s’apprêter à de nouveaux holocaustes ; elle les supportera avec fierté sans interrompre sa mission sacrée et son œuvre féconde.

Nous avons consenti, en sa faveur, dans ces vingt ou trente dernières années, des sacrifices financiers très lourds sous forme de primes à la construction ou à la navigation ; nous ne devons pas aujourd’hui regretter ces dépenses. Les événemens actuels nous démontrent que toute tonne flottante est un instrument de victoire entre des mains qui savent s’en servir. En fait, il n’existe plus, par suite de la déloyauté ennemie, de distinction entre la flotte de guerre et la flotte de commerce : l’une et l’autre courent les mêmes dangers, l’une et l’autre ont des droits égaux à notre sollicitude, car elles tendent vers un but commun.


RENE LA BRUYERE.