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pathétique qui, à bien prendre, n’est autre chose qu’une forme du bonheur. »

La conjuration du Rutli se déroule tout entière sans qu’un souffle de colère, sans qu’un cri de fureur en altère la presque religieuse solennité. Je ne sais pas de plus noble musique, plus digne d’être proposée, rappelée à un peuple noble, plus capable d’exalter, d’enflammer son âme, sans la troubler. Des trois motifs annonçant l’arrivée des trois cantons, pas un n’est vulgaire et pas un n’est irrité. Aucun non plus ne se hâte et dans le vaste finale, un seul épisode, assez court, est d’allure vive, de rythme syllabique et pointé. Partout ailleurs, le récitatif, la mélodie se développe et s’étale ; tout est large, lié, tout se déploie en ondes vastes et pures, comme si la nature amie communiquait à ses fils, avec toute sa grandeur et toute sa force, toute sa sérénité.

« Pacem summa tenent. » Aux jours de guerre où nous sommes, pour en supporter le poids, en soutenir l’effort héroïque jusqu’à la fin et sans faiblir, il est bon, que dis-je, il est nécessaire, dans une certaine mesure et de quelque manière, que la paix demeure en nous, que, radieuse et déjà triomphante, elle occupe les sommets de notre âme, les illumine et les fortifie. Promesse et gage de victoire, voilà la paix que la musique du second acte de Guillaume possède et qu’elle répand. Voilà comment un génie étranger, glorifiant autrefois chez nous une patrie étrangère, vient aujourd’hui concourir au salut et à la gloire de notre patrie.


CAMILLE BELLAIGUE,