Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui drainaient les mercenaires vers le service de l’Empereur, ou du roi de France, ou des princes et des républiques d’Italie ; les disputes religieuses, portées souvent jusqu’à la guerre et à l’extermination.

Dans la nouvelle, ce fut, il n’y a guère qu’un demi-siècle, en 1847, le Sonderbund, né, du moins comme prétexte, d’une histoire de jésuites, de couvens et d’université. Comment, sur un pareil État, si divers d’origines, d’intérêts, de sympathies, le grand conflit, qui met aux prises les trois nations auxquelles les cantons sont apparentés, ne se répercuterait-il pas ? Il est curieux de noter que, même en ce qui concerne les rapports du pouvoir militaire et du pouvoir civil, les cantons se groupent sous l’influence allemande, d’un côté ; de l’autre, sous l’influence française. Prenons, par exemple, la dernière discussion au Conseil national : ici, MM.  Bueler (de Schwytz), Bühlmann et Kœnig (de Berne) ; là, MM.  Fazy (de Genève), Chuard (de Vaud), Henri Calame (de Neuchâtel), Borella (du Tessin), encadrent respectivement le rapporteur de langue allemande, M. Spahn (de Schaffouse) et le rapporteur de langue française, M. Secrétan (de Lausanne). Mais le lien fédéral subsiste néanmoins intact, et des forces de cohésion combattent et maîtrisent les élémens de dissociation, si bien qu’on a eu tort de dire : « les cantons allemands, » et qu’on aurait tort de dire « les cantons français. » Il n’y a que des cantons « alémaniques » et des « cantons « romands, » également suisses en leur ensemble, qu’ils soient en leur particulier romands ou alémaniques. Le président du Conseil national, M. Eugster, s’est écrié, pour clore sa harangue : « Au cours de cette guerre, nous nous sommes voués aux œuvres de charité. Tout nous convie à la concorde. Nous voulons nous retrouver et nous tendre la main. Nous voulons être Suisses, et rien que Suisses. » Pour nous, Français, nous ne voulons voir que cette Suisse charitable, qui nous a si généreusement donné des occasions de la connaître. Qu’elle soit la Suisse, et rien que la Suisse ! Nous n’aurions pas l’indiscrétion de lui demander davantage.


À Washington, troisième aspect de la figure allemande : belliqueuse et farouche chez nous, insinuante et tentatrice à Berne, voici maintenant l’Allemagne chicanière, ergoteuse, tracassière : elle n’est pas plus belle. Alors que l’affaire du paquebot la Lusitania semblait en voie de s’arranger, et que quelques-uns jugeaient peut-être que le président Wilson et M. Lansing, son secrétaire d’État, se montraient un peu trop faciles, le gouvernement impérial a eu l’impertinente idée de lui adresser un mémorandum, dans le style d’un ultimatum.