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en un enrôlement spontané l’appel qui sera rendu obligatoire par mesure législative et auquel nul ne pourra se soustraire. » Au délai primitivement fixé ont été ajoutés des jours, puis des semaines de grâce. Le reste de la nation attendait des chiffres qui lui fissent connaître si le système de lord Derby avait réussi ou échoué, et l’anxiété était profonde. Peu à peu on vit paraître dans les rues, dans les voitures publiques, un peu partout, des hommes de tous les rangs, des hommes qui portaient au bras gauche un brassard d’étoffe khaki sur lequel était appliquée une couronne rouge. Ce brassard signifiait que le porteur s’était désigné lui-même à l’autorité militaire, comme prêt à prendre les armes quand viendrait son tour. C’est à ce moment que j’ai retrouvé mon ancien domestique. Il continuait à accomplir sa besogne comme conducteur de tramway ; mais il avait attested, c’est-à-dire qu’il avait signifié d’avance sa soumission à la loi qui l’appellerait au service et il portait au bras le signe de cette soumission. Il paraissait, d’ailleurs, résigné à son sort et je crois que la plupart des hommes dans sa situation pensaient de même. Le sentiment populaire se prononçait, à ce qu’il m’a semblé, en faveur de la loi d’obligation. On regardait de mauvais œil les jeunes hommes qui circulaient sans brassard, et j’imagine que plus d’un a dû entendre sur son passage des paroles peu obligeantes.


Il ne restait donc plus qu’à voter la loi, mais les pacifistes n’avaient pas encore dit leur dernier mot, et ils s’agitaient désespérément autour du ministère. Sir John Simon, l’un des membres du Cabinet, donna sa démission presque à la veille de la présentation du bill, et il faut le louer de sa franchise, si cette retraite ne lui fut pas imposée. Le gouvernement gardait dans son sein deux de ses membres, au moins, qui étaient les adversaires avoués ou secrets du service obligatoire. Leurs démarches, à ce moment, seront expliquées plus tard et ils auront à en porter la responsabilité. Ce qui est certain, c’est que leurs partisans ne se tenaient pas pour battus et qu’ils employaient, sans y être autorisés, le nom de M. Asquith pour fomenter une résistance à la loi, avant même qu’elle fût discutée et volée. Fort au courant, d’ailleurs, de toutes les ressources