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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/529

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protesterais. » On demande à un autre si, ne voulant pas se battre, il est disposé à soigner les blessés, et il répond : « Je ne pourrais soigner les blessés, car je craindrais de les remettre en état de retourner à l’armée pour tuer encore des ennemis. » La foule prend parti contre les hommes qui prononcent de pareilles phrases et dont quelques-uns, chose étrange I semblent prêts à se faire tuer pour ne pas être soldats. Dans plusieurs villes de province, il y a eu des désordres ; on en cite une où l’on a promené, — comme on fait chaque année, au 5 novembre, le mannequin de Guy Fawkes, — l’effigie d’un marchand qui avait réclamé l’exemption sous prétexte d’objection consciencieuse. S’il obtient ce qu’il désire, il est probable que sa boutique ne recevra pas, cet été, la visite de nombreux cliens.

Le gouvernement, du reste, va mettre un terme à ces comédies et réviser la liste des conscrits, telle qu’elle avait été primitivement dressée ; il révisera aussi, j’espère, les exceptions médicales qui paraissent avoir été accordées un peu légèrement. En cela, il sera soutenu par le sentiment public : ceux qui partent ne comprendraient pas pourquoi ils laissent derrière eux des privilégiés placés dans un cas exactement identique au leur, avec cette seule différence qu’ils sont protégés par une influence puissante ou embusqués dans un prétendu scrupule religieux. C’est M. Lloyd George qui a fait pressentir des sévérités nécessaires et l’on peut s’en fier à lui ; pour les pousser jusqu’où elles doivent aller en alliant l’énergie à la prudence. Il me semble impossible d’écrire le nom de M. Lloyd George sans rappeler les services exceptionnels qu’il a rendus non seulement comme ministre des Munitions, mais comme l’inspirateur d’une politique vraiment nationale. Quoi qu’il ait fait avant la guerre et quoi qu’il fasse au lendemain de la guerre, ses services actuels le placent à côté des ministres qui ont fait autant pour la grandeur militaire du pays qu’un Marlborough ou un Wellington. Et on ne saurait oublier comment, en plus d’une circonstance, il a parlé de la France et avec quelle conviction émue il a rendu hommage, devant ses compatriotes, au dévouement et à l’abnégation des malheureuses populations atteintes ou menacées par l’invasion.

Au moment où j’écris ceci, et pendant tout le mois de mars, on incorpore les hommes non mariés ; le premier ban des hommes mariés (de dix-neuf à vingt-sept ans) sera appelé le