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solennelle, à une minute émouvante de l’histoire nationale. Plus d’un auditeur a du se souvenir du temps déjà lointain où Campbell Bannerman, lorsqu’il voyait faiblir les libéraux sous une vive attaque de leurs adversaires, disait à ses partisans : « Allez me chercher le rouleau I » et l’on allait chercher le rouleau, c’est-à-dire M. Asquith, et le rouleau faisait son œuvre. L’autre soir, le rouleau a passé sur les pacifistes et les a écrasés au moment où ils se vantaient encore d’avoir un complice dans le chef du Cabinet.

M. Asquith n’est pas un pacifiste, mais un pacifique, un ministre pour les temps de paix. Ne me dites pas que cela le rend incapable de gouverner l’Angleterre à travers cette grande crise. Pitt était un ministre pour la paix, lui aussi, et cependant il est superflu de rappeler quelle rude guerre il a menée contre la France. Ne me dites pas non plus que Pitt avait du génie et que M. Asquith n’en a point, car il est des heures où l’obstination vaut mieux que le génie. En réalité, c’est l’Angleterre elle-même qui a prononcé, par la bouche de son premier ministre, ces paroles mémorables qui ne peuvent plus être retirées, ni atténuées. Nul, en Europe, après les avoir lues, ne peut douter que l’Angleterre soit invinciblement résolue à jeter, sans réserve, toutes ses forces dans la lutte suprême contre les barbares.