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au nombre de 750 000, — c’est-à-dire pour la quasi-totalité, — sont aussi les abonnés du gaz.

Ces abonnés, il est vrai, ne sont pas tous dans leurs foyers : il y a présentement 11 pour 100 d’appartemens inhabités ; bien des magasins éteignent de bonne heure, nul atelier ou industrie de luxe ne veille la nuit ; mais aussi les abonnés préfèrent employer, pour la cuisine et le chauffage, le gaz qui n’a pas enchéri, afin d’économiser le charbon qui a plus que doublé.

La France consommait, en 1913, 63 millions de tonnes de houille, elle en produisait 41 et en importait 22. Sa production, par occupation partielle du Nord et du Pas-de-Calais, a baissé de plus de moitié ; pour son importation, dont 9 millions de tonnes provenaient de Belgique et d’Allemagne, elle a dû s’adresser exclusivement à l’Angleterre. L’arrêt des industries pacifiques a réduit la consommation, mais non dans une mesure correspondante, parce qu’il a été créé ou transformé nombre d’usines de guerre toutes vouées à un travail intense. Le charbon anglais s’étant mis à hausser et les ouvriers du pays de Galles réclamant leur part de cette aubaine, la loi dite Runciman, du nom de son auteur, limita les bénéfices des mines à 5 shillings au-dessus des cours moyens de 1913. Cette loi ne s’appliquait qu’au marché intérieur, mais comme il fallait une autorisation spéciale pour la sortie, aux mines qui prétendaient exagérer leur prix on refusait les licences d’exportation. Pratiquement le charbon criblé Newcastle vaut actuellement au départ, rendu à bord, 21 à 23 shillings, au lieu de 14 à 16 en 1913 ; mais le fret qui était en moyenne de 5 shillings 6 pence est maintenant de 30 shillings.

Au fret s’ajoute presque invariablement la « surestarie, » c’est-à-dire une indemnité de tant par heure, au cas où le navire n’est pas déchargé dans le délai prévu par le contrat. La surestarie ne profite à personne ; cette amende est fort loin de compenser pour l’armateur l’absence de gain du bateau qui fait un voyage au lieu de deux ; c’est une perte sèche pour la collectivité, puisque ces équipages et ces navires ankylosés sont improductifs, dans un moment où l’outil manque. On constate ce paradoxe désolant : le nombre des bateaux est moindre, et pourtant les ports sont encombrés. Sur les 50 millions de tonneaux de la flotte commerciale du monde, 15 millions ont été enlevés au trafic, soit par immobilisation pour les flottes austro-allemandes,