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au sous-marin qui, lui-même, date de la fin du XVIIIe siècle, ce qui ne laissera pas de surprendre quelques personnes. Mais ne parlons que de la guerre actuelle et rappelons que c’est à une mine dérivante, — probablement une mine du type Léon, — qu’est due la perte du Bouvet dans les Dardanelles, il y a juste un an, le 18 mars 1915. Rappelons aussi que, dans l’hiver de 1914-1915, à l’époque où il se produisait encore quelques rencontres dans la mer du Nord entre bâtimens anglais et bâtimens allemands, ces derniers, quand ils battaient en retraite, ne manquaient pas de laisser tomber dans leur sillage des mines libres auxquelles ils confiaient le soin de les débarrasser de l’étreinte de leurs adversaires. Le procédé réussit au moins une fois, mais seulement sur un bâtiment léger.

Dans les deux cas, on ne pouvait reprocher expressément à la mine allemande de violer les dispositions des lois internationales. L’emploi de ces engins est, en effet, autorisé ou du moins toléré quand il s’agit d’un combat naval entre navires de guerre, ou entre ceux-ci et des fortifications côtières, parce que des actions de ce genre s’enferment dans d’assez étroites limites de temps et de lieu. Encore, pour bien marquer ses intentions, le législateur a-t-il soigneusement spécifié que toute mine libre devait être disposée de manière à couler spontanément, automatiquement, au bout d’une heure de séjour dans l’eau, comme je le disais tout à l’heure.

Il ne peut donc y avoir de doute : la mine libre est une arme exclusivement destinée à la destruction de l’ennemi armé dans les limites précises de l’action de guerre engagée contre cet ennemi. Dans aucun cas, cette arme ne doit être employée contre l’ennemi non armé, le bâtiment marchand. Bien moins encore, s’il est possible, a-t-on le droit de mettre à l’eau cette mine sans autre objet déterminé que celui de provoquer un sinistre quelconque dont le neutre, comme le belligérant, peut être victime. Enfin, il est évidemment contraire à toutes les lois aussi bien qu’aux plus simples notions d’humanité de se servir de mines dépourvues du système de sécurité prescrit, de mines qui, par conséquent, resteront longtemps offensives, — des mois, des années peut-être ! — et qui, fort loin du point où elles auront été mouillées, iront frapper, bien après la conclusion de la paix, des navigateurs sans défiance, des pêcheurs qui relèvent leurs filets.