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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




L’arrivée à Paris du général Cadorna et du prince héritier de Serbie aura précédé de très peu celle de M. Salandra et de M. Sonnino. Les représentans des huit États en guerre contre rAllemagne, contre l’Autriche-Hongrie et ses satellites, les délégués de l’Entente ont enfin pu se joindre, tenir une réunion plénière, examiner ensemble, et dans son ensemble, le problème non seulement militaire, mais politique et économique qu’ils doivent résoudre s’ils veulent vaincre et s’ils savent se préparer à profiter de la victoire.

Les circonstances sont favorables. La résistance que nos troupes de Verdun opposent, depuis plus d’un mois déjà, à la ruée allemande, à la poussée, furieuse d’abord, puis changée progressivement en pressions plus lentes et alternatives, fait l’admiration du monde ; nous n’avons pas besoin, pour en parler, de chercher des épithètes qui ont été trouvées dans toutes les langues. A l’arrière, les civils tiennent, — comme on le leur demande du front, — « plus qu’avec confiance, qui est chose passive, avec la plus active des espérances. » Les quelques agitations qui de temps en temps rident encore la surface parlementaire sont sans force et sans profondeur : un clapotage d’eau stagnante, dans laquelle un passant fait des ronds en jetant un caillou, n’est point une tempête. La nation reste unanime dans sa fermeté froide. La constance publique attend inébranlable et sourit presque, au milieu des douleurs et des angoisses privées. C’est, je crois, le Grand-Électeur qui se comparait à un « rocher de bronze. » Son arrière-petit-neveu Guillaume II ne doit pas être plus modeste ; mais un rocher de bronze n’use pas un bloc d’acier. Le chevaleresque roi des Belges défend pied à pied le mince lambeau de territoire qui lui a été laissé, le seul îlot de marais et de sable qui émerge de l’inondation et que deux ans d’assauts n’ont plus rogné d’une ligne.