Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/757

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à moi-même ce que je désirais tant, au lieu de faire répéter leur leçon aux enfans, je causais avec eux. Je leur disais pour la centième fois votre bravoure au feu, votre endurance là-bas. Ils vous admirent tant ! eux aussi ! Ils savent par cœur votre citation. Ils me la recitaient quand Julie est entrée…

VAUCROIX.

Et moi qui ne l’ai pas empêchée de monter ! J’étais fou. Je ne comprenais pas... Je comprends maintenant, et j’agirai... Bernardine, cet instant est solennel. Ecoutez-moi. Croiriez-vous à mon repentir, si je rompais avec Julie ?

BERNARDINE.

Je ne vous demande pas de sacrifices.

VAUCROIX.

Mais enfin, si je faisais cela pour vous, d’en finir, comme vous disiez, spontanément.

BERNARDINE.

Pour moi ?... C’est trop tard.

VAUCROIX.

Pourquoi trop tard ?

BERNARDINE.

Parce que vous l’aimez et que je l’ai trop vu.

VAUCROIX.

Vous avez vu que j’étais faible. Vous avez vu que je me débattais mal contre un passé qui me faisait honte et qui maintenant me fait horreur. Mais comprenez donc, à votre tour, que cet homme de droiture sentimentale, de probité intime, d’âme simplifiée, éveillé en moi par la guerre, ne s’est pas encore dégagé de l’autre. Il avait, il a besoin de votre aide pour briser sa chaîne. Cette aide, jusqu’à cet instant, je ne pouvais pas vous la demander. Il aurait fallu venir vous dire : « Je vous ai trahie. » Je ne le pouvais pas à cause de vous et à cause d’elle. Maintenant qu’il n’y a plus de secret entre nous et que vous connaissez toute ma faute, ne m’y rejetez pas, en étant trop