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les observateurs, soude le temps des exploitations intellectuelles ? Notre siècle reliera le règne de la force isolée, abondante en créations originales, au règne de la force uniforme, mais niveleuse, égalisant les produits, les jetant par masses et obéissant à une pensée unitaire, dernière expression des sociétés... Le commis voyageur n’est-il pas aux idées ce que nos diligences sont aux choses et aux hommes ? Il les voiture, il les met en mouvement, les fait se choquer les unes aux autres ; il prend, dans le centre lumineux, sa charge de rayons, et les sème à travers les populations endormies. » Balzac a vu juste, s’il ne s’exprime pas très simplement. Le commerçant saxon a vu clair aussi. Leipzig s’est résolue à n’être plus que le lieu d’une synthèse industrielle et commerciale. Le grand commerce s’y installe à demeure, voisin des Foires, mais n’ayant plus d’intérêt à s’y mêler. L’industrie de l’édition y établit en permanence ses commissionnaires. Les Foires elles-mêmes conservent, dans leur propre rayon d’action, toute une série d’industries fort importantes, articles de céramique, verre, métal, bois, papier, etc.

Au reste, pendant que les Foires de Leipzig se spécialisaient, quant à la nature des marchandises anciennement exposées, elles appelaient à elles des produits nouveaux comme la coutellerie de Solingen et la bijouterie commune de Pforzheim. Ainsi la Foire évolue sans cesse, d’une vie propre ; mais, à travers toutes ses variations qui modifient chaque année son aspect aux yeux de l’observateur attentif, elle demeure un centre prodigieux d’activité commerciale et d’enrichissement industriel. Bien souvent, nos consuls nous ont avertis de son importance, mais il a fallu la guerre formidable de 1914 pour nous ouvrir les yeux et nous contraindre à l’action.

On peut penser qu’au cours de cette crise, l’Allemagne a défendu de toutes ses forces sa Foire de Leipzig. En tout temps, sa publicité était fort bien faite. Nous avons sous les yeux la série des documens que le Mess-Auschuss der Handelskammer envoyait aux acheteurs et vendeurs possibles ; tous les renseignemens utiles sont donnés, tous les détails sont prévus. En 1915 et 1916, la propagande n’a fait que s’accentuer. L’Allemand ne peut pas admettre que sa férocité méthodique lui ait attiré la haine de tous les peuples libres, de tous les hommes libres. Il argumente, il disserte. Veut-on nous permettre