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On ne saurait demander à une Foire des tissus ou du vêtement ce que l’on attend d’une Exposition. Dans l’Exposition, manifestation du luxe, spectacle avant tout, il s’agit d’éblouir. Peut-être veut-on bien se souvenir de l’éclat splendide dont notre soierie lyonnaise avait revêtu l’entreprise, si traversée, de 1914. Dans une Foire, tout est sacrifié aux affaires elles-mêmes ; tout décor doit être proscrit. Mais, en dépit de cette simplicité ou peut-être par cette simplicité même, les résultats obtenus ne sont que plus émouvans. En ces sections comme en toutes les autres, nos adhérens ont multiplié les preuves de leur courage et de leur initiative.

Le groupe des drapiers de Vienne, la collectivité des fabricans de drap d’Elbeuf et de Louviers, bien que leurs usines soient complètement réquisitionnées, figurent avec éclat dans notre organisation. La Manufacture parisienne de cotons, qui avait sa retorderie à Lille et à qui les Allemands ont volé ses matières premières, est présente à son poste de combat commercial. La retorderie de Saint-Dié, exposée sans cesse au bombardement, occupe, elle aussi, la place que nous lui avions réservée. J’aperçois un brave homme de commerçant anglais, marchand de draperies, de serges, de cotons imprimés. Sur la table où il prend ses ordres, il a placé les photographies de trois de ses fils, soldats, tous les trois, sur le front. Quelle meilleure recommandation ? Un peu plus loin, les filatures de Wesserling, si durement éprouvées par le canon allemand (je me rappelle avoir vu, au siège même de l’usine, l’état-major d’une division française), ont installé un stand où se succèdent les acheteurs. Le représentant, qui porte sur la poitrine le petit ruban tricolore, se félicite d’avoir reçu tant de commandes qu’il ne peut y donner satisfaction ; des Roumains lui ont offert des ordres ; il me cite même le nom d’un gros acheteur siamois qui est venu demander une collection d’échantillons pour l’Orient.

Partout on travaille, partout on s’ingénie et partout on se félicite du résultat obtenu. Il suffit, parfois, de la plus modeste découverte pour créer une industrie. On nous montre de petits rubans collés, en soie et coton, exécutés sans trame par la simple juxtaposition des fils, ce qui donne un lien, assez fragile dans