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en était furieuse... Quand les Crenay sont arrivés, ainsi que la baronne, la jolie Louise en toilette soignée faisait son effet sur le faible cœur du Prince, qui avait déjà été passer une heure chez elle. Sauter a ramené Mme de Graimberg. Restée seule avec Elisa, qui ne vit que de caquets, elle m’a conté une histoire du Prince avec Mlle de Reding, que Mme de Graimberg tenait de Mme de Ruppelin, à laquelle sa cousine l’avait écrite. Elisa se rappelait très bien qu’au moment du départ de M’me de Reding pour l’Italie, le Prince subito partit pour Arbon avec M. Rheinhardt. Au lieu de cela, il était allé à, Roschach, où Mlle de Reding, qu’il croyait seule, couchait. Elle était accompagnée de son parent, M. Hanz. On a soupe ensemble, on s’est promené, et le Prince faisait sa cour assidûment. Jusque là, il n’y avait rien à dire. Le soir, retirée chez elle après s’être bien enfermée, Mlle de Reding se déshabille et allait se mettre au lit, lorsqu’elle voit paraître le Prince par une petite porte qu’elle croyait condamnée. Il était pâle, ému, il se jette à ses pieds et lui fait la scène la plus pathétique pour en venir à ses fins. Heureusement que la pauvre fille, qui est sujette à des attaques de nerfs, n’en a pas eu. Il lui disait qu’elle aurait beau appeler, crier, que personne ne viendrait à son secours, que les gens de l’auberge étaient gagnés, etc. Un vrai Lovelace, un vrai guet-apens. Elle lui disait qu’elle n’avait au monde que son honneur et qu’il ne voudrait pas le lui arracher..., et enfin elle est parvenue à se débarrasser de lui et à le faire repartir par la petite porte, qu’elle a refermée sur lui. Le lendemain matin, elle s’est plainte à l’aubergiste, qui ignorait que ses garçons fussent du complot. M. Hanz, à qui elle l’a conté, lui avait dit qu’elle avait eu grand tort de ne pas l’appeler ; qu’il aurait assommé le Prince de coups de bâton..., et il le méritait.

Mlle de Perrigny n’en revenait pas, disait-elle, de cette infamie et de ce dont les hommes sont capables, et les allusions à son innocence et à sa position revenaient.


Mardi 15 août 1837.

Cette date me fait mal. Toutes les autres années, je fêtais le Prince ce jour-là. Quelle tristesse affreuse remplace aujourd’hui les témoignages d’affection dont il n’a pas fait l’usage qu’il devait... La Reine va de plus en plus mal et j’ai le cœur comme