Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un champ plus étendu en profondeur. On canonne jusqu’aux cantonnemens des deux côtés.

D’autre part, un réseau de transports par voie ferrée avait été aménagé par les Allemands sur leur arrière et ils ont réussi à jeter sur le champ de bataille, dans toutes les actions de cette lutte de plusieurs semaines, des masses profondes de troupes dont les vagues se succédaient sans interruption sur les pentes où notre défense les décimait tour à tour.

On sait pourtant que les résultats furent encore moins décisifs que ceux de Champagne. Ce n’est pas que la tranchée ait résisté. On nous dépeint le sol comme entièrement ravagé : il n’y reste plus que les entonnoirs produits par les obus eux-mêmes. Mais cette dévastation n’a toujours pu couvrir de façon complète que les premiers plans de la surface attaquée. En arrière, les moyens de la défense restent, sinon intacts, du moins suffisans. On n’amène pas en face du point choisi pour une telle bataille, pendant des mois, tout le matériel et le personnel nécessaires, sans éveiller l’attention du défenseur et l’engager à rassembler les moyens de la riposte. On a donc affaire à un dispositif en profondeur, dont il ne suffit pas d’entamer la bordure. Jusque sur cette bordure même, en dépit des ravages du feu, il subsiste des élémens de résistance.

Les fortifications de campagne comportent des abris profonds pour les hommes et le matériel portatif : protection de couverture ; des réseaux de fils de fer et de chevaux de frise : protection par obstacle ; enfin des défilemens, des épaulemens et parfois des cavernes pour l’artillerie. Les plus gros projectiles ne défoncent pas toujours les abris souterrains couverts par 8 ou 10 mètres de terre ; et quand ils les défoncent, ils n’y détruisent pas toujours tout le personnel abrité. Le bombardement le plus nourri laisse souvent subsister des parties d’un réseau de fil de fer suffisamment multiple. Songeons que l’enchevêtrement s’en étale parfois sur des centaines et peut-être des milliers de mètres d’épaisseur. Les canons et leurs servans passent miraculeusement au travers des averses de feu. Et nous les voyons, par exemple, dans un récit épique, aux momens les plus terrifians du début de la bataille, dans le voisinage du bois des Caures, défendre jusqu’au bout un de ces champs brusquement entourés par la marée ennemie. L’épisode mérite d’être immortel. Nos hommes, après une tourmente effroyable de fer