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à la présidence des États-Unis. Impossible de souhaiter, comme l’on voit, un programme plus généreux, ni mieux fait pour contraindre un lecteur français à souhaiter vivement le succès de l’auteur. Sans compter que celui-ci ne se borne pas, dans son livre, à exprimer avec une sincérité intrépide ses sentimens politiques d’exemplaire « Américain » en présence de la grande guerre européenne ; plusieurs des chapitres de son livre sont consacrés à des questions d’ordre plus « local, » dont la compétence nous est malheureusement fermée, — mais non pas assez pour nous empêcher de découvrir que, là encore, les conclusions de M. Roosevelt se trouvent animées du même esprit de haut idéalisme et de bon sens pratique. Sur l’aventure mexicaine, par exemple, et les devoirs qu’elle crée aux États-Unis, sur les relations de ces derniers avec la Colombie, sur le problème de l’immigration japonaise, l’ex-président soumet tout franchement à ses concitoyens ses idées d’aujourd’hui, en même temps qu’il leur rappelle quelques-uns de ses actes d’hier. Et toujours l’affirmation de son « américanisme » nous donne clairement à entendre que l’heure lui paraît venue, pour lui-même aussi bien que pour ses lecteurs, de renoncer à leurs anciennes divisions de partis ou d’écoles. Évidemment M. Roosevelt estime que la gravité de la situation présente impose dorénavant aux États-Unis la nécessité d’une « union sacrée, » où « Démocrates » et « Républicains » n’auront plus d’autre opinion que ce « préparativisme » dont il se flatte d’avoir lui-même, depuis trente ans, « détenu le record. » Puisse-t-il être entendu de la foule innombrable des lecteurs de son livre, — dont la publication semble bien avoir été, avec celle de l’America fallen de M. Walker, le principal événement de la littérature américaine depuis deux ans ! Mais surtout puisse-t-il achever de faire partager à ses compatriotes cette noble détestation des procédés allemands qui s’exhale avec une éloquence et une vigueur admirables de chacune des pages de son Crains Dieu et ne crains pas d’accomplir ton devoir !


T. DE WYZEWA.