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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/175

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LA BATAILLE DE VERDUN

Depuis le 21 février est engagée devant Verdun une bataille sans égale. Il est trop tôt sans doute pour en écrire l’histoire. Cependant les actions accumulées pendant deux mois de lutte dans un étroit espace sont déjà si nombreuses qu’il faut les trier pour les comprendre, les grouper pour en exposer la suite, les définir pour en dégager le sens.


I

La situation générale à la fin de 1915 était la suivante. Dès le début de la guerre, on savait, et les Allemands avaient reconnu, non sans orgueil, que la force totale des Alliés était très supérieure à celle des Empires du Centre. En revanche, ceux-ci disposaient de deux avantages : plus de cohésion géographique et une meilleure préparation. Ils avaient deux moyens de remporter la victoire. L’un était de dissocier leurs adversaires. C’est ainsi que Frédéric II, dans des circonstances assez analogues, s’était tiré d’affaire pendant la guerre de Sept Ans. Mais, cette fois, tous les efforts des Allemands ont été vains ; bien mieux, l’union des Alliés est devenue de plus en plus étroite, et leur collaboration de plus en plus efficace. L’autre moyen de vaincre était pour les Allemands de profiter d’une organisation excellente pour battre leurs adversaires avant qu’ils ne fussent tous prêts, et d’abord les Français ; de refaire en un mot le combat des Horaces. Cette méthode a également échoué. Les Français, d’abord rejetés sur la Marne, ont refoulé les Allemands jusque sur l’Aisne et élevé de la mer aux Vosges un mur qui n’a pu être rompu. Les Russes, rejetés sur une ligne qui va de la Dvina au Dniester, ont reculé sans se