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qu’aucun délai n’a été fixé pour la réponse. Mais, comme on s’est servi du télégraphe pour l’envoyer, il semble que le temps accordé en pensée ne saurait être très long. Et il n’est pas nécessaire qu’il le soit, puisqu’il n’est pas très long de dire oui ou non. La conclusion de la note est un dilemme : ou renoncer à ces méthodes abominables de guerre sous-marine, ou voir rompre les relations diplomatiques avec la République américaine. L’Allemagne a le choix, mais plus de faux-fuyans, de promesses éludées, d’hypocrisie, de casuistique, de pharisaïsme dilatoire. M. Woodrow Wilson en a assez, il est à bout. Le Président a tenu au courant le Comité des Affaires étrangères, et, d’abord par ce comité, puis directement par un message, il s’est adressé au Congrès lui-même. C’est toujours une chose sérieuse que l’indignation du juste, et c’est une chose redoutable que le courroux du pacifique.

La question est cette fois posée dans son ensemble ; non plus celle de la Lusitania, ni du Sussex, ni de l’Arabic, ni de l’Inverlyon, ni du Mangam-Abbey, mais toute la question de la guerre sous-marine à l’allemande et des droits de l’humanité. Qu’en adviendra-t-il ? Il paraît incroyable que l’Empire allemand cède. Il est invraisemblable que la Confédération recule. Alors le comte Bernstorff recevrait ses passeports et serait invité à rejoindre, dans une patrie qui ne leur a point été ingrate, les von Papen et les Boy-Ed. Il pourra, pour se consoler, rédiger ses mémoires en collaboration avec son collègue autrichien Dumba ; qu’il dise tout, ils ne manqueront pas de romanesque. Le travail de l’un n’a pas été plus méritoire ou seulement plus correct que le travail de l’autre, ou des autres. Et si la rupture des relations diplomatiques est elle-même dépassée, si les choses se gâtent jusqu’au pire, l’Allemagne pourra se vanter de l’avoir bien voulu. Dans quel intérêt ? On a dit que, se sentant dès à présent battue, elle veut l’être par tout l’univers contre elle conjuré, ce qui, pour la dynastie du moins, relèverait, justifierait et presque glorifierait sa défaite. Mais n’est-ce pas un peu subtil, raffiné, compliqué ? Il vaudrait mieux, et elle aimerait mieux ne pas perdre une chance de vaincre. On dit maintenant que l’intention secrète de l’Allemagne serait de forcer les Etats-Unis à dépenser ou à emmagasiner pour leur compte les armes et les munitions qu’ils fournissaient jusqu’ici aux Puissances de l’Entente, et qui lui feraient moins de mal, juge-t-elle, entre les mains américaines qu’elles ne lui en font entre les nôtres. Ce serait déjà dans le même dessein, de leur faire gaspiller leur poudre, qu’elle aurait suscité au Mexique le mouvement du général