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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/628

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loyers préoccupait les esprits. Aussi, le gouvernement présenta-t-il à la Chambre deux projets de loi dont furent saisies les commissions compétentes. L’un accordait à certains locataires, dans des cas déterminés, la faculté de résilier le bail en cours ; l’autre établissait le droit à la réduction du loyer, réduction pouvant aller jusqu’à l’exonération. Le 12 avril 1915, M. Ignace terminait son premier rapport ; plus tard, dans un remarquable discours prononcé par lui le 2 février 1916 à la Chambre, il développa les idées fondamentales, sur lesquelles il s’est appuyé pour recommander à ses collègues l’adoption de ses propositions. Nous essaierons de les analyser.

M. Ignace semble chercher d’abord, dans l’énormité apparente de la récente plus-value de la propriété foncière parisienne et dans le grand nombre des intéressés, un argument en faveur de la solution à laquelle il veut arriver. Il fait observer que la guerre a éclaté pendant une période de hausse des loyers qui, dans la capitale, avait pris des proportions considérables. Cette hausse n’avait pas dépassé 2 pour 100 de 1890 à 1900, 4 pour 100 de 1901 à 1910 ; mais, depuis cette dernière date jusqu’en 1913, elle a atteint 15, 20 pour 100 et même davantage. Pour certains immeubles, elle s’est élevée à plus de 100 pour 100. Au 1er janvier 1915, la valeur locative des propriétés bâties était de 1 091 millions, représentés jusqu’à concurrence de 431 millions par les locaux affectés au commerce et à l’industrie, et de 660 millions par les locaux d’habitation. Or, en 1871, la valeur totale des loyers de Paris n’était que de 490 millions de francs. Sur les 1 032 524 locaux d’habitation, 752 387, au 1er janvier 1915, correspondaient à un loyer inférieur à 500 francs.

Ceci posé, le rapporteur aborde le côté juridique de la question. Il rappelle qu’après 1871 la jurisprudence a eu à déterminer les conditions d’application de l’article 1722 du Code civil en cas de guerre ; elle a invariablement posé le principe que la perte de la chose louée ou de son utilité devait être inhérente à l’immeuble même, et non résulter d’une impossibilité personnelle du preneur de jouir de la chose louée. L’atteinte à la jouissance résultant de la force majeure créée par la guerre ne peut être retenue pour donner ouverture à la résiliation ou à la réduction du loyer que si elle porte sur la chose elle-même ; le locataire n’a droit à rien, si l’événement de guerre, laissant la chose louée intacte matériellement, n’a fait que le