sa belle hantise de sainte Catherine, cette guerre l’importuna. Il souhaita de reconduire : « Je me cachai bien loin, je me cachai derrière toutes les montagnes bleues, je me réfugiai dans les siècles lointains... »
N’avait-il pas prévu la guerre ? Ce n’était pas son affaire, au bout du compte !... Cependant, la guerre éclate ; et il se souvient des deux dernières soirées qu’il a passées en Danemark, l’année 1913. L’une de ces soirées, une séance où l’on traita de la sécurité danoise. A la tribune, « un poète » prononça des paroles d’inquiétude : il sentait venir les mauvais jours. Un jeune homme lui succéda qui démontra, et par des chiffres, l’impossibilité d’une guerre en Europe : quoi ! c’est l’argent qui mène tout ; et, pour la guerre qu’on redoute, il faudrait plus d’argent qu’il n’y en a dans l’univers ! Le jeune homme positif se moqua du poète : « Mais de pareils raisonnemens ne font pas impression sur un esprit si élevé ! Vous vivez dans le monde de l’imagination... N’est-ce pas, honoré monsieur, la guerre mondiale éclatera vers Pâques ?... » L’assistance, rassurée, applaudit ; et elle but ! c’était la paix, il n’y avait pas de danger. A l’autre soirée, quelques étudians bavardaient. Et une femme, une « illustre comédienne, » soudain se mit à parler. Elle dit des choses variées, raconta son existence ; et puis la confession s’épanouit en prophétie : elle annonça de grands bouleversemens et affirma qu’on n’aurait pas à les attendre plus tard que l’année 1915. M. Joergensen compare cette prophétie d’une illustre comédienne à la première encyclique du « blanc vieillard » pontifical, où il est dit que « l’homme de péché, » l’ennemi de Dieu, le « sans loi » qui doit se manifester à la fin, vit déjà sous le soleil. Autant d’avertissemens : la guerre éclate ; et M. Joergensen se demande si « les derniers temps » ne sont pas venus.
« Celui qui veut vivre avec cette pensée mourra d’horreur... C’est ce que j’avais écrit, peu de jours avant que la guerre eût éclaté. Et je ne voulais pas mourir !... » Alors, il se cache derrière les montagnes bleues ; il se réfugie dans les siècles lointains. « Je m’asseyais dans la tranquille et fraîche bibliothèque et je copiais, commodément et à loisir, un vieux manuscrit. Je faisais des promenades sentimentales dans les sentiers, où autrefois j’avais été heureux et où je rêvais de l’être encore une fois, encore une dernière fois, de jouir encore un peu du soleil d’octobre avant la pluie de novembre et les ténèbres de décembre... » Éluder, quant à lui, la guerre : ce fut le projet de M. Johannes Joergensen, l’automne 1914.
Éluder la guerre, si neutre qu’on soit !... Mais, un jour il reçut