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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/73

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par les luttes passées, fut profondément et douloureusement atteint ; il voulut revenir, mais ses amis l’en empêchèrent : « Tout allait bien à la Revue, qu’il ne s’inquiétât de rien... » Voici d’ailleurs le télégramme, daté de Versailles, qu’il recevait, le 27 mars, en Savoie :

« Numéro en bonne voie. Sand arrivé. Soignez-vous. Gardez compagnon [1]. Veillons à tout.

Signé : Ch. Buloz, Boissier, duc de Broglie. »


A Versailles, devenue capitale provisoire, autour de Thiers, s’étaient groupés Barthélémy Saint-Hilaire, Saint-Marc Girardin, de Rémusat, Louis Vitet... d’autres encore, et presque tous rédacteurs de la Revue. Une fois de plus, Mme F. Buloz donna la mesure de son dévouement : très courageusement, elle se rendit de Paris à Versailles, à travers les lignes, pour demander leur aide à ces collaborateurs ; elle appelait cela « approvisionner la Revue. » Pendant deux mois que dura la Commune, elle fît le voyage neuf fois, et bien difficilement, car les communications étaient peu sûres, les moyens de locomotion des moyens de fortune, et la voyageuse fut souvent obligée de faire une partie de la route à pied. Aussi, ces fatigues, à la fin de la Commune, l’avaient-elles littéralement épuisée.

A son amie George Sand, elle confie :


« Je mène une rude vie depuis ces événemens exécrables, ma qualité de neutre [2] me permet d’aller chercher à Versailles, où tout rayonne, le ravitaillement nécessaire pour entretenir notre Revue. Je fais le métier de courrier et ce n’est pas sans fatigue et sans péril quelquefois... Mais, chère amie, je suis si lasse, si triste, si accablée de toutes nos misères, que j’accepte de bon cœur tout surcroit qui me tire de mon accablement. Que je voudrais être loin, ma chère amie, sous le premier arbre venu [3] !... »

Dans le procès-verbal de la séance du 31 octobre 1871, que j’ai déjà mentionné, je note ce passage attestant que la Revue, dans ces temps d’épreuve, a pu continuer de paraître... « grâce

  1. Son secrétaire.
  2. Mme Buloz veut dire que comme femme on lui accordait le laissez-passer nécessaire.
  3. Collection S. de Lovenjoul. —Mme F. Buloz à G. Sand, mars 1871, F. 252.