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commandement, ni pour l’armée, ni même pour le gros de la nation. On la voyait venir. Dès le début du mois, dès la fin d’avril, on savait que plusieurs divisions ennemies avaient quitté la péninsule balkanique pour être envoyées dans le Trentin : que, dans le Trentin aussi, avaient été formées quelques autres divisions, par l’appel des nouvelles classes, et avec ce qu’avait restitué d’utilisable, sur le déchet des classes antérieures, une revision plus sévère. De notables contingens encore avaient été transférés là de la ligne de l’Isonzo, et même, bien qu’en moindre nombre, du front de Galicie ; puis, les effectifs étant rassemblés, le matériel amassé, les Autrichiens, à l’imitation des Allemands, suivant leur tactique habituelle, avaient enveloppé leurs projets d’une émission de nouvelles aveuglantes. Au préalable, du 15 au 30 mars, ils avaient répandu le bruit qu’en effet ils allaient « déclencher » une puissante attaque, et que ce serait dans le Val Sugana ; mais, sagement, on ne les en crut point. La presse dont ils disposent dans un pays neutre imprima ensuite que, décidément, cette offensive montée pendant cinquante jours ne se produirait pas ou ne serait menée que sur une échelle très réduite ; qui sait même si la réunion de 300 000 hommes dans le Trentin n’avait pas pour but d’aller donner la main aux armées allemandes, sous Verdun ? On peut se représenter sans peine que de pareilles bourdes n’étaient guère faites pour la finesse italienne. Les feintes mêmes, au moment de l’action, ne devaient pas mieux réussir ; par exemple, la pointe assez vive contre Monfalcone, à l’autre extrémité de la ligne, sur l’Adriatique Détail curieux, et peut-être un peu plus que curieux. Lorsque les Italiens, cette affaire terminée, interrogèrent les prisonniers qu’ils avaient faits, ils en tirèrent une réponse unanime : « On nous a dit : Les Allemands prendront Verdun. Nous prendrons, nous, Monfalcone. Alors Français et Italiens demanderont la paix, et la guerre sera finie. » En attendant, le piège mal tendu avait été évité. Le secteur réellement marqué pour l’offensive autrichienne paraît délimité, à l’Ouest, par le Val Lagarina (qui est la vallée où coule l’Adige, dans le district de Rovereto), au Nord de Zugna Torta ; à l’Est, par le Val d’Arsa, au Nord d’Asiago. Ce serait, en ligne droite, un front d’une quarantaine de kilomètres, mais il ne saurait être question de ligne droite en ce pays où tout ce qui n’est pas montagne est fleuve, rivière ou torrent.

Le terrain disputé s’étend donc, ou plus exactement se tord, s’élève et s’abaisse, comprenant la vallée de l’Adige, avec les villes d’Ala et de Rovereto ; la vallée de l’Arsa, parcourue par la route