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deux fois les honneurs du triomphe. Il y est d’ailleurs habitué de longue date. Je me souviens encore des ovations joyeuses, qui, au temps de notre jeunesse, en Provence, ou dans sa Gascogne natale, accueillaient ses vibrans discours de propagande régionaliste. Mais, chez lui, ce rôle décoratif se double d’un autre plus discret et non moins efficace. En des circonstances difficiles, son action persuasive a obtenu de la presse locale un concours des plus utiles à la cause des Alliés ; et, à de certains tournans critiques, en des momens de trouble et d’hésitation, il a su provoquer, d’accord avec ses amis italiens, des gestes décisifs.

Je n’ai pas la prétention de nommer ici tous ceux qui, pour nous ou avec nous, ont mené le bon combat, soit du côté des nôtres, soit du côté de nos amis d’Italie. Je suis obligé de me borner. Pourtant, entre ces derniers, il en est un, qu’il est impossible d’omettre ; qui, par ses origines, son éducation, ses sympathies, est un vivant trait d’union entre nos deux pays, homme de cœur et de haut raffinement intellectuel, figure aussi parisienne que romaine, à laquelle chacun songe, dès qu’il s’agit d’entente cordiale entre la France et l’Italie. Il n’est pas un Français, ayant passé par Rome, qui ne devance ma pensée et ne prononce aussitôt le nom du comte Joseph Primoli. Qui ne le connaît ?… Pour peu qu’il appartienne au monde proprement dit, ou à celui des lettres ou des arts, quel est celui d’entre nous qui n’a pas traversé les salons de l’Avenue du Trocadéro, ou de la Via Zanardelli ? Qui n’a été l’hôte du Palais Primoli, cette somptueuse demeure familiale, à la fois musée et bibliothèque, où notre littérature occupe des territoires privilégiés, où s’accumulent les autographes de nos grands écrivains, de Flaubert à Bourget, où se pressent, à côté de mille richesses d’art, de précieuses reliques napoléoniennes ? Depuis la guerre, personne, à Rome, n’a plaidé plus chaleureusement notre cause que le maître de cet admirable logis. Pendant les premières semaines de la bataille de Verdun, je l’ai vu angoissé dans l’attente des communiqués français, et néanmoins prompt à combattre les défaillances ou les scepticismes de son entourage, courant d’un bout de la ville à l’autre pour propager les bonnes nouvelles ; et je l’ai vu pleurer, devant des auditoires assez tièdes, en exaltant la vaillance de nos soldats.