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l’exigent, quand l’occasion sublime se présente, devient de l’héroïsme sans épithète. Ce fut au moment de l’invasion. Professeurs et instituteurs sont à leur poste, nous l’avons déjà dit. C’est la consigne. Et l’approche ou la présence de l’ennemi ne leur semblent pas une raison suffisante d’y manquer. Nous ne savons pas tout sur ces braves, puisque beaucoup sont encore au pouvoir de l’envahisseur. Nous savons qu’il y a eu des morts, même parmi les femmes, Queste, professeur au lycée d’Amiens, a été fusillé au moment même où il donnait des conseils de prudence. Nous savons que quelques-uns eurent l’honneur d’être emmenés comme otages, qu’ils sollicitèrent même cet honneur. Brayer, ancien instituteur, s’offrit pour remplacer comme otage une institutrice. Il mourut trois jours après. Nous savons que quelques-uns rendirent à nos états-majors de périlleux services. Nous savons qu’ils furent pour les malheureuses populations un exemple et un soutien, et les défendirent contre l’affolement. Nous savons qu’ils ensevelirent les morts, soignèrent les blessés et sauvèrent des soldats français de La captivité. Nous savons qu’ils réussirent parfois à en imposer à l’ennemi par leur sang-froid et leur courage. Grâce à l’attitude d’un professeur du collège d’Avesnes, une partie de cette ville échappa à l’incendie. Un instituteur de Sancy-lès-Provins (Seine-et-Marne) fit mieux : il arracha d’un général allemand l’autorisation d’employer à éteindre un incendie des troupes plus accoutumées à en allumer. A Clermont (Oise), c’est un ancien instituteur qui est maire. Il réussit à éviter lui aussi le pillage et l’incendie. Et aux officiers allemands, qui veulent forcer les devantures des magasins, il oppose fièrement la loi française qui interdit de pénétrer dans le domicile de citoyens absous. L’institutrice de Lalobbe (Ardennes) va au-devant du général ennemi dont l’armée menaçante approche et, au nom des blessés qu’elle soigne dans le village, obtient qu’il soit épargné. Nous savons encore qu’un inspecteur primaire du Pas-de-Calais a été le premier fonctionnaire civil cité à l’ordre du jour de l’armée, qu’un autre inspecteur primaire a fait quatre-vingts jours de prison pour avoir désobéi à l’ennemi. Nous connaissons l’histoire de l’instituteur de Stenay, Il avait caché des provisions dans un souterrain menant de son école à la Meuse. Des espions connaissaient son secret. Il dut guider dans le souterrain les Allemands qui firent main basse sur les provisions. Mais des soldats