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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/326

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ainsi vers des textes qui semblent faits exprès pour nous apporter le renfort de la vertu romaine et des exemples d’autrefois. Je pourrais faire cent autres emprunts aux « cahiers de textes » que certains professeurs ont fait connaître. Il faut ajouter que, dans le latin, les élèves d’aujourd’hui aiment vaguement aussi celle culture latine, dont ils entendent parler, et dans laquelle ils sentent une alliée.

Mais nul enseignement n’a subi, comme celui du français, les effets de la guerre. La langue française, la littérature française ne sont plus des choses, mais des êtres, des êtres chers, que l’on aime parce qu’ils ont été en danger, et envers lesquels on se sent des torts parce qu’on ne les a pas assez exclusivement aimés. Nous, nous tournons vers nos grands écrivains comme vers des génies bienfaisans sur le secours desquels nous comptons ; et nous honorons ces représentans de nos traditions, » ces maîtres d’énergie selon ce qu’ils nous apportent aujourd’hui. Il en résulte même quelques injustices momentanées, et un certain trouble dans la hiérarchie de nos cultes littéraires. À cette heure où les vivans appellent les morts à la rescousse, notre patriotisme jaloux éprouve quelque prévention contre les morts qui répondent mal à l’appel et font triste figure de combattans. Laissons-les dormir en paix ; une autre génération dont les besoins seront autres saura bien les retrouver et les ressusciter. Mais les enfans, dont les jugemens ne connaissent pas la mesure, et qui n’ont pas le souvenir d’enthousiasmes passés, dictent au maître ses choix, sous la menace de n’être pas compris d’eux. Ils veulent cette littérature dont parlait Renan, — un de ceux qui sont injustement peut-être délaissés, — et qui, transportée dans la vie, la fait noble ; ils veulent cette littérature où ils reconnaissent le produit authentique du terroir, où ils sentent comme le parfum d’une fleur de France. Le même phénomène se produit, nous assure-t-on, en Angleterre. Le centenaire de Shakspeare vient d’y être célébré avec une piété à laquelle les universités françaises se sont d’ailleurs associées. Dans le choix des devoirs aussi, il faut que le maître se défende contre la tentation de faire appel à des sentimens qui, lui-même, l’obsèdent. Quand il cède cependant, l’élève répond de façon à faire croire que le talent courra les rues demain, comme l’héroïsme aujourd’hui. C’est tout simplement qu’il répond avec tout son cœur. Il y a des devoirs d’enfans