Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs revendications. Ils admettent qu’il convient de faire sa part à la Serbie et même à la Grèce, et ils prévoient toutes les difficultés que rencontrerait l’italianisation complète de la Dalmatie. Mais il n’y en a pas un qui ne pose en principe que l’Italie doit avoir la maîtrise de l’Adriatique. Pour tous les Italiens, c’est là un dogme intangible. Cependant l’Autriche, leur plus dangereuse rivale, est toujours debout. Si ridicule que puisse paraître un panhellénisme actuellement réduit à l’impuissance, il n’en est pas moins aussi tenace, aussi intraitable et démesuré dans ses ambitions que le nationalisme italien. Enfin la Serbie, même vaincue, cherche naturellement à se refaire, à assurer ses conditions d’existence, lesquelles exigent un débouché maritime. Que de difficultés encore ! Il faut bien en tenir compte. D’autre part, en Orient et dans la Méditerranée orientale, quelle va être, au lendemain de la guerre, l’attitude de la Russie, supposée victorieuse, et même celle de l’Angleterre ? Les modérés italiens se préoccupent de tout cela. Les « nécessités historiques et dynamiques » de leur pays restent toujours présentes à leur esprit, mais elles reculent au second plan devant les nécessités actuelles. Avant de se partager la peau de l’ours, il faut l’abattre. L’Italie ne peut pas se flatter d’en venir à bout toute seule, par une guerre qui ne serait que « sa guerre. » Le concours de tous les Alliés contre l’ennemi commun lui est indispensable. Avec la France, particulièrement, l’union s’impose.

Non seulement, ils en demeurent d’accord, mais ils sont les premiers à réclamer une coopération toujours plus intime et plus amicale des deux pays. Seulement, là encore, ils ont la claire vision des difficultés de la tâche, ils sentent qu’il y faudra beaucoup de temps, et aussi beaucoup de tact, beaucoup de persévérance et une extraordinaire bonne volonté de part et d’autre. L’un d’eux me citait des articles de M. Maggiorino Ferraris parus dans la Nuova Antologia, au lendemain de l’intervention italienne, et où l’auteur préconisait, entre la France et l’Italie, « la coopération militaire non seulement pour le matériel de guerre, mais pour l’unité d’action sur les champs de bataille, — la coopération diplomatique vis-à-vis des États restés neutres jusqu’ici, — la coopération économique entre les Alliés, pour faire face aux énormes dépenses de la guerre, pour en réparer promptement les conséquences désastreuses, pour