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plaindre au nouveau gouverneur, le vieux Garcia de Sà, du capitan de Comorin qui pillait et violentait les Paravers. Il repartit ; et, bien que dans sa première lettre à Rodriguez, de janvier 1549, il le remerciât « de la consolation que lui avait procurée l’arrivée d’Antonio Gomez, » il est permis de penser qu’il en éprouva de plus grandes et de moins mélangées d’inquiétude. Mais il ne voulait point attrister ou blesser son cher Simon Rodriguez, le plus cher de ses amis après le Père Le Fèvre.

L’heure approchait de son embarquement pour le Japon. Il était à Cochin, en train d’organiser, non un petit séminaire, mais une simple école, quand tout à coup Barzée l’y rejoignit. Barzée n’aimait point Gomez. L’impérieux Recteur avait décidé d’ouvrir un noviciat sur la côte, à Chali, tout près de la principauté de Tanor, dont le rajah jouait avec les Portugais la même comédie que les rois de Ceylan ; et il avait donné l’ordre à Barzée d’aller reconnaître les lieux. Sa mission remplie, Barzée accourait avertir François et lui apportait les nouvelles de Goa. Les Pères commençaient à murmurer. Les élèves du collège, peu habitués aux façons brusques et à la sévérité d’un recteur qui les traitait comme s’ils avaient eu dix siècles de christianisme dans les veines et qui prétendait les soumettre aux mêmes règlemens que leurs collègues de Coïmbre, se sauvaient par-dessus les murs ; et la peur de la férule les rejetait dans les mille bras de leurs démons. Le manque d’égards d’Antonio Gomez, qui ne daignait même plus le consulter et qui tranchait déjà du Supérieur, et ses agissemens inconsidérés irritèrent d’autant plus François qu’il était à la veille d’entreprendre un long voyage dont ses amis s’efforçaient de le dissuader. On s’effrayait à l’idée qu’il s’aventurât sur des mers si lointaines, infestées de pirates et peuplées de monstres. On lui laissait entendre, et d’aucuns lui disaient sans ambages, que sa présence dans l’Inde ferait plus de bien aux missions que tout l’honneur d’une exploration nouvelle. Les maladresses de Gomez donneraient du poids à leurs argumens. Il reprit en hâte le chemin de Goa, résolu de lui substituer Barzée dans la direction du collège et de le substituer à Barzée au poste d’Ormuz.

Il allait se heurter à plus fort que lui. La faconde et l’esprit superficiel de Gomez convenaient beaucoup mieux aux Goanais que les vertus de François, et il s’était acquis parmi eux des amis influens. Un des fondateurs de Sainte-Foi, le notaire de