Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/402

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PROPOS D’UN COMBATTANT

Depuis l’époque où Alexander Powell publiait le livre que je présentai aux lecteurs de cette Revue[1], les manifestations de la guerre se sont bien modifiées. Les journalistes audacieux et favorisés par le sort ne peuvent plus observer tour à tour chez les deux partis les dispositifs, les mouvemens des armées, les péripéties et les résultats des rencontres, les angoisses et les souffrances des populations, les espérances et les crimes des envahisseurs. La lutte s’est figée aux abords des tranchées. De temps à autre, les adversaires semblent sortir de leur apparente apathie et secouent violemment les doubles grilles de fer qu’ils ont dressées pour arrêter l’invasion comme pour protéger les territoires conquis. Ces grilles sont solides. Elles résistent encore aux pesées les plus savantes, aux poussées les plus furieuses. Et les peuples dont l’existence est l’enjeu de la lutte se demandent : « Combien de temps cela va-t-il encore durer ? »

En France, pour tromper l’impatience, des littérateurs innombrables ont surgi. Les « carnets de campagne, » les « feuilles de route, » les Impressions et les Souvenirs, sont accueillis avec intérêt dans les périodiques les plus divers. Pas de revue, pas de quotidien qui n’ait adopté comme collaborateur occasionnel quelque militaire, quelque infirmière, pour initier les lecteurs de l’ « arrière » aux émotions, aux dangers, à la psychologie des combattans du « front. » La plupart des écrits ainsi rédigés dans l’oasis des cantonnemens de repos, dans

  1. Voyez le numéro du 1er mai 1915 : la Guerre en Flandre vue par un journaliste américain.