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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/414

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Naguère, la préparation d’artillerie était longue. La puissance croissante des projectiles, qui rend plus efficace le tir à démolir, en abrège maintenant la durée. Il convient en effet d’obtenir la plus grande destruction dans le moindre temps, afin de profiter de la surprise, d’empêcher la concentration de l’artillerie et des réserves de l’adversaire. En quelques heures, il doit être paralysé dans la zone déterminée par la portée-limite de nos canons. Selon la règle formulée dès avant la bataille de Champagne, l’artillerie conquiert et l’infanterie submerge. Mais toute règle a des exceptions. La préparation la plus parfaite laisse subsister çà et là des organes de défense qui pourront gêner, parfois même arrêter, l’assaillant. L’élan des troupes, l’initiative et le jugement des chefs de tous grades, la poussée bien ordonnée de l’arrière vers l’avant reprennent alors dans l’offensive la part prépondérante qu’elles avaient autrefois.

Si le front d’attaque n’est pas très étendu, si la tranquillité des secteurs limitrophes n’inspire pas d’inquiétudes à l’ennemi, si le défenseur n’est pas menacé en même temps vers d’autres régions, il fait affluer sans retard des troupes et du matériel qu’il prélève dans les zones paisibles et dont le transport s’exécute avec rapidité. Ces renforts sont placés sur des positions organisées à loisir hors de la portée de l’artillerie adverse ou improvisées d’après les progrès de l’adversaire et l’appui que donnera le terrain. L’assaillant est ainsi contraint de forcer des obstacles successifs dont le nombre et la solidité dépendent des ressources totales du défenseur et aussi des conditions stratégiques et tactiques dans les divers théâtres de la guerre. Devant chacun de ces obstacles, la moyenne et la grosse artillerie, qui sont aujourd’hui indispensables, ne peuvent intervenir aussi promptement que l’infanterie. Le déplacement et la protection des pièces sont contrariés par le tir de l’ennemi ; l’emploi presque exclusif des calibres supérieurs au 105 rend le transport des munitions difficile et lent ; tout délai est mis à profit par le défenseur dont la situation s’améliore chaque jour. Si rien ailleurs ne vient le compromettre, l’équilibre des forces ne tarde pas à s’établir ; l’assaillant doit reprendre haleine avant de livrer une nouvelle bataille. Ainsi s’expliquent l’arrêt de nos offensives de 1915 en Artois et en Champagne, et la durée de notre résistance autour de Verdun.