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complète, et elle pourra cire curieuse. Il y a le Poste d’écoute, journal du 7e bataillon (1st British Columbia Regiment ; il y a la Gazette du Coin du cheval mort, etc., etc. Gaillarde chronique qui entremêle la prose et les vers, les jeux de mots et les historiettes, et sous la rubrique « Soirées mondaines » conte de sanglans combats de nuit ; chronique qui sent la poudre, qui égaie la mort, et chanson ne les « Huns. » Ils disent les Huns, comme nous disons les Boches. J’extrais du Poste d’écoute cette Litanie du simple soldat, en anglais dans le texte :


Des trois jours de corvée appelés jours de repos,
Du brouillard qui dure jusqu’à huit heures du matin et au-delà,
Des cadavres d’Allemands,
Des mouches,
Des chansons sentimentales et de Tipperary,
Du camarade qui emprunte toujours et de celui qui ne prête jamais,
De la bière française,
De la marchande qui vous vole en vous disant qu’elle ne comprend pas l’anglais,
Délivrez-nous, Seigneur !


Même bonne humeur, même gaité vaillante dans leurs lettres. Le Canada, revue hebdomadaire qui parait à Londres et à Toronto, en a publié plus d’une. On me saura gré d’en traduire quelques fragmens.


Lettre du sergent D. Grieve :


La canonnade fait rage, je suis pris entre leur artillerie et la nôtre, et je me sens secoué dans ma niche comme dans la cabine d’un paquebot ; au-dessus de moi, l’air est rempli du sifflement et du gémissement des obus. À ces menus détails près, je pourrais oublier que je suis à la guerre. Sur une table suspendue au plafond et que je peux décrocher en un tour de main, il y a ma pipe, mon tabac et une boite de cigares. La porte de notre placard est ouverte, j’entrevois les boites de fer-blanc où sont les gâteaux d’avoine, le pain, les confitures, le fromage, le chocolat, le café, le beurre, toute sorte de produits concentrés, le lait condensé, les conserves de fruits, etc. Notre logis n’est pas bien grand ; nous avons tout de même pu placer contre la paroi de gauche une planchette qui porte un bon choix de magazines et de livres. Bref, nous faisons de notre mieux pour nous installer confortablement, et jusqu’à un certain point nous y réussissons.


Letltre de W. H. O’Grady, officier de cavalerie :

Une Française, une bonne vieille dame, me donne toutes les semaines deux gros pains. Une nuit, elle a fait le trajet depuis sa maison à demi ruinée par les obus jusqu’à notre campement, un trajet de deux