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14 juillet dernier, faisait éclater, dans un article ardent, le rapport entre les luttes médiques et les combats de septembre 1914. « Il n’est guère douteux, disait le journal américain, que, pour les temps à venir, la bataille de la Marne prendra place dans l’histoire de l’humanité à côté de celle de Marathon. » Et certes, nous pouvons l’accepter pour la transfiguration de notre victoire, cette page où Angellier disait la Grèce sauvée par la vaillance de ses soldats combinée avec le génie de leur chef :


Le salut du pays tenait en des instans.
Ah ! la rude journée, et comme il était temps !
S’ils étaient parvenus à forcer le passage,
Les barbares venaient comme un flux sur la plage :
Dans la plaine où pouvaient s’ouvrir leurs escadrons,
Leurs flots illimités, audacieux et prompts,
Débordaient les deux flancs de notre infanterie…
Nous sommes arrivés, par fortune, avant eux
D’un jour…
Le jour fut, malgré tout, menaçant et douteux !
Redoutables momens, ou l’on voit la fortune,
Hésitante entre deux, voler tantôt vers l’une,
Tantôt vers l’autre armée, et les faire trembler
En lourds oscillemens qu’un cri peut ébranler
Et pousser brusquement au sens de la victoire !
Et quel autre moment, gros d’un siècle d’histoire,
Quand, tout d’un coup, l’armée, — et nul ne sait comment, —
Sent qu’elle a la journée, et d’un seul glissement
Refoule l’ennemi briser dans la défaite !
Puis ce fut leur déroute et leur vaste retraite,
Et la poursuite…


Et sans doute, non plus que cette bataille ne représente en traits précis celle de la Marne, le portrait du stratège qui devait assurer la victoire n’est tout à fait celui de notre généralissime mais quelle intime ressemblance y aurait découvert, au lendemain de l’événement, tout cœur français !


Il faut à cette foule
Un chef dont le dessein par elle se déroule,
Un chef qui la connaisse et dont il soit connu,
Un homme au long vouloir, au labeur continu,
Qui sache les pays jusqu’aux moindres vallées,
Qui, sur des régions sans cesse contemplées,
Fait planer un coup d’œil qui ne s’endort jamais,
Qui vit dans la clarté d’invisibles sommets,