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du droit des gens et du droit de la guerre, tels que les avait établis l’enseignement des Pères et des Docteurs de l’Église. Elle a multiplié les atrocités sans excuse et les dévastations inutiles. Ces mêmes Chrétiens vont-ils absoudre la nation qui s’est rendue coupable de ces crimes ? N’auront-ils pas pour ses victimes, en attendant l’heure des justes réparations, au moins une parole de réconfort et de charité ? Toutes les arguties du monde n’y feront rien. L’opprobre d’une complicité honteuse pèsera sur eux. Jusqu’au jour du Jugement, la conscience universelle protestera que la Guerre allemande a été un monstrueux attentat contre toutes les lois divines et humaines…


Au-dessus de ces controverses, de ces disputes et de ces intrigues, plane la personnalité mystérieuse du Pape.

Une bonne moitié de la planète s’évertue à deviner, ou à conjecturer ses sentimens. On voudrait bien savoir ses préférences intimes. De pieuses gens nous assurent que, dans le secret de son cœur, il est tout avec nous. Et c’est là une consolation, dont nous sentons le prix. Mais, au fond, peu nous importent les pensées secrètes de Giacopo della Chiesa. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est ce que pense le Père commun des fidèles, et, — justement parce qu’il est le Père commun des fidèles, — il n’en peut rien manifester.

Et pourtant, on ne se résigne point à ne pas savoir. À Rome surtout, le sujet des sympathies pontificales défraie toutes les conversations. À force d’en avoir les oreilles rebattues, certains finissent par s’en impatienter. Un prélat, homme d’esprit, nous disait, un jour : « De grâce ! laissez le Pape tranquille ! Il n’est plus un souverain temporel ! Alors, pourquoi voulez-vous le faire descendre dans la mêlée ? Pourquoi le sommer de prendre parti entre les belligérans ? D’abord, personne ne lui a demandé son avis, et si, par hasard, on le lui demandait, il est trop évident que la plus élémentaire prudence lui conseillerait de ne rien dire… Non, non, que le Saint-Père se tienne en repos dans son Vatican ! Laissez-le travailler en paix au bien des âmes et conduire son troupeau d’une houlette légère et paternelle ! » Évidemment, beaucoup de gens embarrassés seraient tentés d’arranger ainsi les choses. Mais ce n’est là qu’une boutade, une