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bien beau, le cri de tous : « Nos hommes sont admirables, et nous nous aimons tous. »

Les hommes sont admirables, c’est-à-dire prêts au sacrifice. Soldats qui s’offrent comme volontaires, soldats qui s’en vont de leur initiative propre relever entre les tranchées des camarades blessés, ensevelir des morts. A quoi bon dénombrer de tels épisodes, en donner aucune preuve ? On sait que les Fils de France sont braves. Et par exemple, on sait dans tout l’univers la bataille qui dure depuis cinq mois et que nous avons le droit d’appeler la victoire de Verdun.

Mais quoi ? dans les autres armées aussi on est brave…-

Ce qui est particulier et ce qui a frappé votre grand Rudyard Kipling comme une splendeur qu’on ne voit nulle part ailleurs à ce degré, c’est l’attachement des soldats français pour leurs chefs, et des chefs pour les soldats et de tous entre eux.

Parmi eux, nul mensonge possible. C’est une vie de vérité et de la part de tous. Au début, il existait une nuance de sans-culottisme, une sorte de goguenardise, où survivait à l’encontre des chefs chez le soldat citoyen un sentiment excessif de l’indépendance. Mais depuis, sous les épreuves communes, ce sentiment dangereux s’est mûri et ennobli. Ces hommes continuent à se regarder les uns les autres avec une critique aussi sévère, mais en prenant pour mesure les services rendus au bien commun. Ils ne s’attachent plus qu’aux vraies supériorités, celle de l’esprit, celle du cœur.

En pleine tuerie, ces Français se rappellent constamment. qu’ils sont des âmes. Les meilleurs élèvent leurs mains sanglantes vers le ciel, chacun vers son Dieu. Chacun d’eux est préoccupé de prouver la valeur de sa pensée par sa bravoure et par son sacrifice. Chacun agit comme s’il savait (et il le sait) que ses coreligionnaires de la France entière lui ont mis entre les mains leur honneur et les chances de leur idéal. Nos instituteurs rivalisent avec nos prêtres, également admirés les uns et les autres par l’élite de la nation et par leurs frères d’armes. Le Père de Gironde écrit sur son mémorial intime : « Me conduire de telle manière que nous ne puissions plus être exilés. » Et le journal d’Hervé publie chaque jour des lettres, toute une mystique, où les socialistes s’écrient : « Que nous reprochera-t-on désormais ? Est-elle assez justifiée notre foi