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l’amour de Dieu, offre aux pauvres de son temps le bel et simple hospice où les pauvres d’aujourd’hui bénissent encore les fautes inspiratrices de telles réparations. Et sans doute encore tous les Espagnols qui débutent comme don Juan ne finissent pas comme lui : mais la vie des indifférens mêmes est baignée dans cette atmosphère, ils la respirent et, jusqu’aux choses profanes gardent l’empreinte sacrée qui est le signe de l’Espagne. On montre à Grenade dans le trésor de la cathédrale le premier or qui ait été recueilli au Mexique : ceux qui le rapportèrent en avaient fait une croix. En aucun peuple, que je sache, n’est aussi extérieure, complète, visible, l’armature du catholicisme.

Aux peuples les plus épris de leur modernité et qui tiennent pour leur principal mérite d’avoir sans cesse changé leurs doctrines comme leurs machines et qui lui demandent : Qu’avez-vous créé ? il peut répondre : Qu’avez-vous conservé ? Ce qui est le plus important pour tout homme et pour tout peuple n’est pas ce qu’ils ont fait, mais ce qu’ils laissent. Que reste-t-il de ce que vous avez créé ? Que servent à l’avenir ces activités fiévreuses qui bornent leur ambition à satisfaire les besoins immédiats et tout matériels de chaque génération et ne transmettent à l’avenir ni une tradition, ni un exemple, ni une règle de conduite, ni une beauté ? Qu’avez-vous fait de la famille qui semble dissoute dans la mobilité de votre vie ? de la société volatilisée par vos expériences ? des richesses anéanties par vos révolutions ? Le mariage indissoluble n’a pas cessé de féconder mes foyers. Ma race est tempérante, mes mœurs sont pures. Si j’ai donné moins de mon temps aux besoins qui meurent avec chaque génération, j’ai recueilli ce qui survit à la mort des hommes, les réponses à leurs curiosités immortelles. J’ai gardé intactes les règles de leurs plus importans devoirs. J’ai recueilli dans l’art des siècles leurs intelligences différentes et fidèles du beau. Je n’ai pas détruit le passé. Je n’ai pas laissé tarir les sources du sublime.

Que les esprits les plus émancipés du sentiment religieux soient assez libres pour reconnaître son importance dans la vie d’une nation. Rien ici ne rappelle l’illogisme branlant des sociétés sceptiques où tout est en porte-à-faux. C’est sur l’inébranlable que s’est bâtie l’Espagne. La solidité de la base a fait la solidité de son histoire, de son caractère et de ses vertus,