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écoles, l’hymne de Hugo est devenu comme une prière du matin. Dans quelques villes où déjà ont été célébrées des fêtes commémoratives, la jeunesse de nos écoles y a été conviée, symbole de l’espérance mêlée aux regrets, et d’un geste gracieux, mais en même temps recueilli, a jeté des gerbes de fleurs sur les tombes de ses aînés. Des officiers anglais présens à l’une de ces fêtes ont admiré la gravité de ces jeunes officians ; la gravité des enfans ne surprend plus un Français. En Lorraine, des tombes sont régulièrement entretenues par les enfans des écoles. Dans quelques villes envahies, nous savons que cette pieuse coutume s’est aussi établie. Et, à l’arrière, des lycées et collèges se sont donné le devoir de fleurir les tombes exilées des soldats morts loin de leur pays et loin du champ de bataille, double tristesse.

Pour ces morts-là, on a fait autre chose encore. Rien n’est triste comme l’enterrement d’un soldat dans une ville inconnue, et que les siens n’ont pu venir suivre. Après le combat, sur le lieu même du combat, toutes tes mélancolies s’enveloppent de grandeur ; mais, après l’agonie de l’hôpital, la mort et ce qui la suit prennent un aspect plus grand de désolation. Cette sensation éprouvée fut comme an remords. Alors, nos collégiens suivirent d’abord les convois qui partaient de chez eux, du collège converti en hôpital. Puis on jugea que ce n’était pas assez et que, quel que soit l’hôpital, le même hommage était dû. Aussi, derrière le cercueil du soldat, le passant peut voir maintenant de grands collégiens qui représentent la jeunesse française en deuil, et qui, dans l’acte qu’ils accomplissent, trouvent eux-mêmes la plus virile des leçons. Les maîtres veillent à ce qu’elle soit mesurée à l’âge et à ce qu’aucune contrainte ne s’y mêle. Mais le service des morts a, lui aussi, ses « volontaires. » C’est ce qui donne un prix infini à ces manifestations multiples du patriotisme scolaire, entre lesquelles nous avons dû faire un choix. Elles ne sont pas l’obéissance à un mot d’ordre ; elles ne sont pas les moyens factices mis en œuvre par une pédagogie méthodique pour entretenir le moral du pays et associer le plus d’énergies qu’il est possible au combat nécessaire. Elles sont spontanées, elles sont le libre épanouissement de sentimens profonds. On cherchait autrefois qu’elle pouvait bien être l’âme de l’école. La patrie est apparue, plus vivante et plus belle que jamais, dans le péril qu’elle courait, et la question ne se pose plus.