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ces deux mots, et de ne plus parler aussi complaisamment de « science allemande. » La science est française, au moins autant. Il conviendra par suite, et cela est déjà commencé, de revendiquer ces titres de la France dans l’histoire des sciences. Nous avons cité un livre dont tel a été l’objet. D’autres ont paru qui ont pour auteurs les savans les plus qualifiés. Et cette revendication a servi, en même temps, à marquer le caractère de l’esprit français dans les découvertes françaises. Une conscience plus nette de notre génie nous a été donnée ; nos gloires sont sorties de l’anonymat où nous les laissions tomber. A tous égards, il était temps que fût faite cette révision et cette comparaison des titres. Malgré ses appétits d’annexion, l’Allemagne n’a pas pu s’annexer la science ; nous ne la lui livrerons pas, sous ce prétexte qu’elle l’a compromise par l’usage qu’elle a fait d’elle. Même dans l’ordre des sciences historiques et philologiques, nous continuerons à nous servir de méthodes que nous avions apprises aux Allemands, s’ils nous les ont rapprises. Mais nous nous attacherons en même temps à des qualités que nous n’avons jamais réussi à leur apprendre. Devant toutes les tentations de réaction, nous saurons garder ainsi une mesure française. Même la langue allemande, que boycottent nos enfans, survivra dans nos programmes, si elle y perd un rang auquel elle n’avait pas droit. Nous saurons aussi faire une place plus grande à l’enseignement professionnel, sans retomber dans le défaut d’une excessive imitation. Rien de tout cela ne comporte une révolution. L’édifice s’est montré solide sous l’ouragan, quoique les réparations à faire et les retouches à apporter nous apparaissent mieux. Il serait aussi imprudent, en ce qui le concerne, de vouloir tirer trop de leçons de la guerre, que de n’en pas tirer du tout.

Cet examen de conscience de l’Université a été poussé plus à fond. Et, pour cet approfondissement, l’analyse a été secondée par l’action, qui souvent nous révèle à nous-mêmes. Jamais l’Université n’avait aussi exactement défini pour elle-même les traditions et les principes qu’elle représente. Elle avait enseigné la philosophie, sans se douter qu’elle avait une philosophie à elle ; elle avait des aspirations et des tendances que l’aveuglante clarté de la lutte a précisées. Il a fallu que cette guerre extraordinaire mobilisât les idées après les hommes. Toutes les idées françaises se sont rangées en bataille. Alors le pays a