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d’indolence : l’Allemagne tirait d’Ecosse et de Russie le minerai d’amiante, — l’asbeste, — qu’elle était seule à travailler ; et seule elle exploitait le tungstène, métal cher employé pour les aciers de canons, qu’elle allait chercher aux Indes.

Elle cherche aujourd’hui à se constituer, pour l’avoir disponible à la fin de la guerre, un stock de matières premières à l’étranger : elle a fait au Chili d’importans achats de cuivre, dont elle a tenté l’envoi fractionné par colis postaux de 5 à 10 kilos ; système qui, avec l’incroyable élévation des frets, ne revient pas plus cher que l’expédition en vrac à fond de cale. En Argentine, les Allemands avaient acquis la récolte entière de laine ; ils l’ont revendue à la vérité avec bénéfice, dans l’espérance de renouveler leurs provisions à moindres frais, mais notre gouvernement y veille. Il déchiffre chaque jour au passage 350, 400 radios allemands — un volume — relatifs à la préparation commerciale, à la future bataille économique ; ces manœuvres sont poursuivies, sous le couvert de neutres, jusque dans nos colonies françaises de l’Afrique du Nord.

Les Alliés ne songent nullement à faire entre eux l’union douanière ; jamais il n’a été question d’en établir une, mais la crainte que, dans la réunion des huit États, on n’essayât d’imposer à tous quelques règles à cet égard, a été l’une des difficultés rencontrées par notre ministre du Commerce, M. Clémentel, qui fut l’organisateur actif et prudent de cette conférence, l’orienta et la maintint comme président sur un terrain solide et mérite d’en recueillir l’honneur. Chaque État conservera sa pleine indépendance de tarifs et l’on peut augurer dès à présent que, sans aucune vue protectionniste, dans un but purement fiscal, tous, étant également obérés, seraient induits à demander de l’argent à leurs douanes comme à toutes les autres sources de revenus.

Il est présumable que le temps de paix maintiendra automatiquement, par souci financier, les droits élevés qu’a suggérés partout le blocus du temps de guerre. Je ne parle pas des prohibitions absolues qui s’appliquent, en France, à un ensemble de marchandises dont nous sommes surtout vendeurs, et pour des centaines de millions de plus que nous n’en achetons à l’étranger, en temps normal ; mais, comme notre industrie présentement paralysée ne peut exporter, nous n’avons guère à craindre de représailles. Reconnaissons toutefois que les droits de douane,