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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/651

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centenaires, des pensées et du génie le plus intime de notre race ? Bien mieux que la clameur d’indignation jaillie de tous les points du monde civilisé, leur propre blessure les a avertis qu’avec elles disparaîtrait quelque chose d’essentiel à la personnalité, à la figure, à la beauté de la France, et la voie douloureuse, bordée de tombeaux et de ruines, qui les a conduits jusqu’à ces grandes victimes, les a ramenés aux sources mêmes de notre histoire et de notre nationalité… Quant à nos combattans, ils n’ont pas eu une minute d’hésitation, sur la signification véritable et profonde de la lutte et du sacrifice ; et l’on pourrait citer les lettres de ceux qui, partis pour « venger Reims, » saluaient au passage, dans la cathédrale de Soissons bombardée, « la France s’offrant dans sa beauté et montrant ses blessures comme pour exalter le courage de ses défenseurs, » et qui donnaient leur vie si pure, si riche de bonheur, dans un sublime élan d’enthousiasme, de « reconnaissance » et de foi patriotiques.


Puisqu’il est devenu un des « faits de la cause, » et que dans ce domaine aussi, nos ennemis, non contens d’en saccager présentement les monumens, prétendent rétrospectivement s’en attribuer la gloire, nous voudrions résumer ici, à grands traits, sans appareil d’érudition et d’archéologie, la naissance de cet art français, de cette « œuvre de France, » — opus francigenum, comme le dénomma tout le Moyen Age occidental ; — essayer de montrer comment les plus caractéristiques qualités de l’esprit français s’y montrent déjà agissantes et efficaces, et que toutes les forces, toutes les aspirations de la pensée chrétienne y trouvèrent, sous une forme vraiment française, une expression plus claire et plus humaine.

Qu’entendait-on, en somme, par ces mots : travail français, opus francigenum ? Que voulait dire l’annaliste qui notait que telle église d’Allemagne, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, venait d’être reconstruite opere francigeno par un architecte venu ex partibus Francisæ, villâ Parisiensi ?… La manière française, ce fut d’abord, tout simplement, une façon plus pratique, plus analytique, si j’ose dire, et plus souple, de construire les voûtes des églises… En quoi consistait-elle ? Un exposé aussi général que celui où nous nous engageons, — non sans