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pour faire face à l’Eglise, la législation d’Empire était prête. Et puis la lutte, peu à peu, se resserra dans les limites de la Prusse, de la Hesse et de Bade : l’Empire, en refusant d’inscrire dans sa constitution la liberté des confessions religieuses, avait d’avance émancipé les caprices sectaires des divers parlemens, et d’avance acquitté leurs attentats.


II

Dix-huit ans s’écoulèrent : par des voies diverses et qui furent à certaines heures divergentes, Windthorst et Léon XIII furent vainqueurs de Bismarck : le Kulturkampf cessa. Mais alors s’élevèrent, dans les Eglises évangéliques d’outre-Rhin, des voix apeurées, pour rappeler que « les catholiques étaient les plus dangereux ennemis, que l’héritage de Luther offrait à l’Allemagne la plus profonde des sources de vie, que l’unité germanique marquait un triomphe spirituel de la Réforme, et que la paix avec Rome était une aberration[1]. »

Une vaste Ligne évangélique se forma, messagère de ces doctrines ; des influences officielles, à la cour de Berlin, la propageaient et l’orientaient. Elle arrêtait ses regards sur le Brandebourg, où des immigrans catholiques s’installaient ; elle chargeait une voix, à Berlin même, de sonner l’alarme. « Ici, en Marche, nous sommes protestans jusqu’aux os, » avait dit jadis Frédéric-Guillaume Ier. Le pasteur Rogge, dans une conférence de guerre, commentait ce mot[2]. La Ligue avait su choisir son orateur, dont les fonctions ordinaires, — fonctions de cour, — consistaient à prêcher devant un autre roi de Prusse.

L’aumônier militaire Hermens, de Magdebourg, discourait longuement sur « le danger commun contre lequel devaient lutter le protestantisme et la nationalité allemande dans les Marches d’Alsace et de Pologne. » Son angoisse s’épanchait en une thèse, qui recelait un programme d’action : l’Alsace et la Pologne étaient désignées à la sollicitude conquérante des pasteurs prussiens ; on les lançait à l’assaut du clergé catholique, ennemi du germanisme ; c’était encore, pour l’Empire,

  1. Beyschlag, cite dans Pesch, Der Krach von Wittenberg, pp. 452-454 (Berlin. 1894).
  2. Die Zunahme des Katholicismus in der Provinz Brandenburg, Vortrag gehalten von D. Rogge (Leipzig, 1893).