Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous ont coûté onze ou douze cents millions. Cela valait bien la peine d’être connu, lorsqu’il s’agit de faire un bilan. Aujourd’hui, il va tâcher d’avoir la loi sur les échéances, et il partira ce soir ou demain matin avec nos idées sur les moyens de se procurer les ressources dont nous avons besoin. Il est inutile de vous dire que la Banque figure dans nos plans comme notre principal instrument, et elle n’y perdra pas, je vous assure.

Quant aux réflexions dont vous accompagnez votre lettre, de grâce, ne nous répétez pas les propos des oisifs tels que ceux-ci, par exemple : la main qui doit diriger ne se fait pas sentir, etc.

La main qui doit diriger existe et n’est pas oisive, et, si vous ne la sentez pas, c’est que nous sommes à 150 lieues de distance et que toute la force perd de son énergie apparente à grande distance.

J’ai été élu le 17 février. Le 19, le ministère, qui prenait autrefois quinze jours, trente, quatre-vingt-dix, pour être bâti, était fait et présenté immédiatement à l’Assemblée. Le 20, j’étais à Paris et à Versailles. Le 26, la paix était faite, paix douloureuse, mais qui aurait pu être plus cruelle encore, car nous étions dans la situation d’une armée réduite à se rendre à discrétion.

Le 27 était (jour et nuit) employé à donner les premiers ordres à Paris pour la réception des Prussiens, qui se passait sans encombre. Le 28, j’arrivais à Bordeaux, et, sans me déshabiller, j’allais à l’Assemblée. Le 2 mars, la ratification était à Paris, et vous étiez débarrassé des Prussiens.

Le 3, le 4, étaient employés à vous envoyer 40 000 hommes, et vous croyez peut-être que les envois de troupes se font comme autrefois : le télégraphe, en une journée, pouvait remuer 50 000 hommes, parce qu’on avait une seule armée et qu’on savait où elle était : il faut choisir, sur 150 000 hommes de mille espèces différentes, répandus dans vingt départemens, ce qui est bon, le détacher, le réunir et composer des brigades, des divisions, l’acheminer sur des routes abîmées occupées par les Prussiens, et il faut obtenir une convention à Versailles pour que les Prussiens se laissent traverser pour arriver à Paris. Je ne vous parle pas d’une Assemblée de 700 membres, tous agités, tous rêvant le gouvernement de leur choix, et qu’il faut réunir dans la pensée unique de réorganiser la France, de lui rendre la vie, avant de savoir à quel gouvernement,