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piétinaient la Belgique : lorsqu’on leur parlait des crimes des prêtres, ils reconnaissaient ce qu’ils avaient lu, et ils se vengeaient.

Au reste, une voix s’élevait, une voix dont en Allemagne, mais seulement en Allemagne, on a l’habitude de dire qu’elle ne ment jamais : c’était la voix de Guillaume II. L’empereur évangélique, inaugurant par une inexactitude, qui ne devait pas être la dernière, la longue série de ses messages au président Wilson, lui télégraphiait, le 4 septembre 1914, que dans cette guerre de guérillas, des prêtres belges avaient commis des cruautés sur des soldats blessés, sur des médecins, sur des infirmières[1]. Prêtres et religieux, dans Louvain, n’ont fait que prêcher le calme, rectifiait le 10 septembre, dans la Gazette populaire de Cologne, le prêtre Sonnenschein. Le Bureau allemand de défense ecclésiastique Pax, le délégué du cardinal-archevêque de Vienne[2], instituaient des enquêtes qui justifiaient à leur tour le clergé belge. Mais l’effet des légendes populaires et de l’affirmation impériale survivait aux démentis ; dans la région d’Hildesheim, les ouvriers protestans insultaient leurs camarades catholiques ; en Prusse orientale, dans l’Eifel, des prêtres étaient gravement outragés[3], et certains publicistes catholiques tremblaient que les foules évangéliques ne prissent bientôt argument des prétendues atrocités sacerdotales de Belgique pour conclure à une connexion entre le catholicisme et l’anti-germanisme.

Des publications se succédaient, en effet, où s’affirmait, avec une insistance de plus en plus pénible pour les catholiques, l’identité entre germanisme et protestantisme.

Un article intitulé : La Transformation de la situation religieuse par la guerre, paraissait en septembre 1914 dans une revue théologique protestante, sous la signature du pasteur Dietrich Graue : « Nous Allemands, expliquait-il, nous devons remplir notre mission historique. » Et il continuait :


Elle a nom protestantisme. C’est là un mot étranger, mais c’est une chose qui nous est à tous familière, une chose qui n’est pas le privilège de l’Église évangélique, mais qui est vivante dans tous les cœurs vraiment allemands. Son plus grand prophète fut Kant, avec son mot d’airain : Tu peux, car tu dois. Il y a protestantisme, là où un homme se dévoue

  1. Réponse au Livre Blanc, p. 60.
  2. Réponse au Livre Blanc, p. 75-79.
  3. Incidens d’Elbing, de Sombrot, dans l’Eifel (Johannet, op. cit., p. 78).